Stephen King : le Pistolero
(the Gunslinger, 1982)
roman de Science-Fiction par nouvelles dans l'univers de la Tour sombre
- par ailleurs :
Il convient de se souvenir parfois de ce que la SF doit au roman populaire. Une partie de son histoire s'y est forgée. Un grand nombre de ses lecteurs y ont fait leurs classes. Le plaisir du stéréotype ne s'émousse jamais quand il est revivifié par des écrivains qui savent enrichir de leur talent personnel d'excellentes recettes.
Ainsi Stephen King, qui s'est exprimé le plus souvent à travers le roman d'épouvante. Son Pistolero, qui paraît chez J'ai lu sous le sigle "Science-Fiction", s'avère un intéressant compromis entre ce genre et le western. À mi-chemin entre Malborough et Chevignon, l'image de son héros poursuivant l'Homme en noir à travers cinq courtes nouvelles n'est pas de celles qui laissent indifférent. Feuilletoniste minimal, Stephen King brosse à grands traits son décor de désert, de saloons abandonnés, de villes mortes, laissant toute sa chance au lecteur d'imaginer le reste : un monde déchu où la catastrophe s'est abattue, provoquant des mutations mystérieuses. Regards qui se croisent et se défient, gestes sacrés et lents, dialogues concis mais lourds de sous-entendus, tout est mis en place pour que la mystérieuse vengeance s'accomplisse. Savoir s'il s'agit de vengeance ou de manipulation, si celui qui poursuit n'est pas celui qui fuit et réciproquement ne reste jamais aisé. Grâce à un tour de plume habile, Stephen King sait dire avec tant d'art les choses à moitié que les soupçons qui naissent demeurent toujours du domaine des hypothèses. De même que ses personnages enracinés dans le mythe, l'Enfant au regard fiévreux, la Femme aimée mais morte, le Vengeur solitaire ne sont que les marionnettes sacrées d'un théâtre d'enfance où les illusions ont encore le pouvoir de faire rêver. D'après l'auteur, ce roman n'est que l'esquisse d'un monument de trois mille pages. Je ne pense pas qu'on en sache beaucoup plus lorsqu'il l'aura terminé. Demeure le plaisir d'un tour de passe-passe avec les mots.