George Alec Effinger : le Talion du cheikh
(the Exile kiss, 1991)
roman de Science-Fiction dans l'univers du Boudayin
- par ailleurs :
Décidément, l'arrière-petit-fils de Friedlander bey n'est pas un personnage recommandable. Marîd Audran, pour la troisième fois sur la scène de la SF avec le Talion du cheikh, n'améliore pas ses qualités morales au fil des romans. Et pourtant, l'occasion lui est donnée de prouver qu'il peut devenir différent de ce privé alcoolique et drogué au tempérament programmé par des cartes directement enfichables (papies) dans son cerveau modifié.
Parachuté par ses ennemis jurés en plein désert, le Quart vide où règne la sécheresse absolue, en compagnie de Friedlander, Marîd ira jusqu'à sauver ce dernier au péril de sa vie. Pourquoi se sacrifier à ce criminel irascible et capricieux ? Par fidélité au Prophète, aux lois du Coran, parce qu'il est son ancêtre ou simplement pour de l'argent ? George Alec Effinger nous fait un instant fantasmer sur les possibilités de rachat de son héros. Au contact de la vie nomade, des paysages de sable, celui-ci s'approche de l'ascèse. Il est prêt à renoncer aux drogues et aux papies, parce que la résignation est un art acceptable et qu'en fait, même si on s'oppose à la douleur et aux emmerdes durant un instant, il faut toujours passer à la caisse un peu plus tard. Ce qui est plutôt un complexe judéo-chrétien que musulman.
Suit alors une conspiration réjouissante où, pour avoir un instant douté de son ignominie profonde, Marîd Audran va se venger utilement de ceux qui l'ont offensé, pour finir heureux et mafieux.
Si j'insiste ainsi sur la désagrégation des mœurs de notre privé, au sein d'une société islamique du futur, c'est que nombre des séduisants pétards qu'Effinger avait allumés sous nos sièges éjectables s'avèrent bien mouillés au fil des épisodes. Dans le Talion du cheikh, la Science-Fiction, qui faisait le corps du bâtiment, n'est devenue qu'un décor. Le lecteur avide de nouveautés, de paradoxes, de concepts audacieux, a le droit d'exiger qu'un habile développement de polar bien enlevé n'occupe pas une place réservée à la fiction spéculative.