Walter Jon Williams : Sept jours pour expier
(Days of atonement, 1991)
roman policier de Science-Fiction
- par ailleurs :
Walter Jon Williams fait partie de ces écrivains qui ne répugnent pas à s'adapter aux nécessités du métier. Après Câblé, notoirement cyberpunk, il avait intelligemment évolué en publiant le Souffle du cyclone, Science-Fiction bon teint et inventive. Aujourd'hui, il récidive avec une œuvre savamment dosée entre des genres littéraires divers. Ainsi, dans Sept jours pour expier, roman d'essence ethnologique, les effets délétères de la Science-Fiction influent sur le Polar basique. Williams est un excellent droguiste. Peu d'auteurs parviennent à son tour de main quand il s'agit de distiller l'alcoolat de l'anecdote pour soigner le tissu narratif.
En cataplasme prophylactique, il émulsionne d'abord un extrait mou de cent pages, délicieusement aromatisé au troisième millénaire et finement relevé de nostalgie. Dans cette mixture, se trouve conditionné l'emploi du temps du chef de police d'Atocha au Nouveau-Mexique, un certain Loren Hawn. Pas une bouffée de marijuana, pas un Apache ivre mort, pas une mauvaise blague de garnements pervers, pas une bavure policière, pas un démêlé avec le sheriff et avec le maire ne nous sont épargnés. Malgré la fatigue et les soucis, Loren reste fort. C'est un dur à cuire, spécialiste du pugilat à mains nues contre les convicts en permission, lorsqu'il était militaire. De plus, il est croyant. Même si Atocha comporte quarante et une églises et presque autant de cultes bizarres, Dieu soutient son poing et son action. Il aime sa femme et ses deux filles. Bref, un citoyen américain façon antique.
Pour corser l'ordonnance, au terme de ces cent pages préventives, il introduit une substance nocive : Loren s'interroge à propos d'un cadavre inexpliqué. Un ancien ami déjà mort il y a longtemps, qui sort éventré d'une voiture pour mourir à nouveau dans ses bras en murmurant son nom.
Le lecteur se demande comment ce policier macho, brutal et impulsif parvient à estimer qu'il y a du louche dans ce fait divers macabre et fantomatique. Puis s'aperçoit de ses dons pour la spéculation intuitive. Un déclic s'est produit dans le système neuronal de Loren qui relance son appétit de justice. Malgré quelques longueurs inhérentes aux produits de substitution de la pharmacopée moderne, l'enquête repart à cent à l'heure. Le Grand Satan n'est pas loin : depuis peu, s'est construit, à Atocha, un Laboratoire de technique avancée où de petits génies font valser les particules. Leur arrivée a coïncidé avec la fermeture de la mine de cuivre sur laquelle s'est bâtie la réputation de la région. Les choses ne sont plus ce qu'elles étaient et notre chef de police en pince pour le bon vieux temps. Quoique, enfin, il n'approuve pas nécessairement la concussion, le népotisme, le protectionnisme et l'exploitation des prolétaires. C'est un idéaliste.
« Et la Science-Fiction dans tout ça ? » me direz-vous avec raison. J'y arrive. Disons qu'elle est filée à dose homéopathique. À bien étudier les radicaux libres qui se baladent en suspension dans la dilution, le lecteur remarque peu à peu les corps simples, il imagine les combinaisons chimiques essentielles qui vont précipiter la résolution de l'énigme. Dans Sept jours pour expier, Williams use de la SF en artiste minimaliste. Je dis artiste car il serait dommage de nier l'excellence de son idée, la façon subtile dont elle s'articule au récit, enfin son rôle symbolique qui lui donne toute sa signification. Vous la dévoiler dans ces lignes serait un crime de lèse-mystère. Disons qu'elle permet d'interpréter le principe d'incertitude de Heisenberg avec la solide foi du pionnier. Ce qui confère aux lois de la mécanique quantique des vertus écologiques.