Bruce Sterling : Gros temps
(Heavy weather, 1994)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Vingt années auparavant, avec sa Baleine des sables, Bruce Sterling nous avait surpris par un authentique talent novateur. Avec les Mailles du réseau, paru il y a près de sept ans, ce même Sterling a certainement écrit l'un des livres les plus inquiétants sur le management libéro-capitalo-écolo-branché de l'American way of life, étendu à l'ensemble de la planète dans les décennies qui nous attendent.
À la lecture de Gros temps, on se demande où est passé cet écrivain. Certes, l'idée de construire un roman sur la recherche et l'étude des tornades dévastatrices paraît originale — bien que le succès du film Twister, réalisé ensuite (et qui l'a peut-être plagiée), l'ait émoussée. Le suspense est mené tambour battant, les chapitres se succèdent avec alacrité, brio des dialogues de cinéma, séquences choc. Hélas ! les caractères des personnages trahissent le cousu industriel, l'invention est réduite à la portion congrue, puisque la spéculation écologique débouche sur le néant. Que penser en effet d'un cataclysme de force 6 qui purifierait notre monde malade, d'une sorte de tornade absolue dont le tournoiement perpétuel au-dessus de nos têtes nous menacerait de châtiment au moindre écart de conduite polluante, par exemple fumer un cigare dans un restaurant. Voilà un genre de dieu météorologique qui fleure bon la mystique conservatrice, New Age décadent, dont ce livre semble imprégné.
Sterling ne s'embarrasse pas pour si peu. Sans étayer son propos de la moindre justification technologique, le voilà qui fonde une équipe de mystérieux chercheurs passionnés, le Front de tempête, guidée par un mathématicien génial, prophète de l'Armageddon cyclonique. Nostradamus l'avait prédit, le futur est dans les nombres. Sur le coup d'une impulsion dont la motivation essentielle tient dans une phrase puisée au folklore populaire : « Depuis qu'ils ont envoyé leurs satellites là-haut, le temps n'est plus comme avant. »
, ils partent en quête du Graal cataclysmique qui naîtrait dans le Middle West.
La suite ne manque pas de souffle, surtout dans les cent dernières pages. Malheureusement, c'est du vent.
Il paraît que c'est un roman cyberpunk. Je ne sais s'il faut attribuer le premier terme de cette épithète au fait que nos gourous battent la campagne équipés d'une batterie d'ordinateurs sophistiqués. Quant au côté punk, rien n'en dessine ni le profil ni la révolte.