Alain Dorémieux, in memoriam
15 août 1933 → 26 juillet 1998
- par ailleurs :
Redoutant de s'endormir, Alain Dorémieux passait ses nuits à lire ou à écrire. Il avait raison. Le matin du 26 juillet, il ne s'est pas réveillé, emporté par un rêve trop lourd. Sans lui, en France, la Science-Fiction n'aurait pas été ce qu'elle fut. Elle devient même telle qu'il la souhaitait : un viol collectif de toutes les formes de l'imaginaire. Dès le milieu des années 1950, Dorémieux a fait de Fiction la première revue littéraire de SF, la seule de cette qualité. Il lui a consacré vingt ans de sa vie. En sachant s'entourer des meilleurs critiques, commentateurs, exégètes, bataillant sur tous les fronts, littérature générale, musique, cinéma, BD, arts plastiques, il a su imposer sa vision à des milliers de lecteurs. Éditeur éclectique, il a révélé les meilleurs auteurs anglo-saxons. Avec une exigence gouailleuse, il a permis aux écrivains français de s'exprimer. Presque tous lui doivent la publication de leur première nouvelle. Il a traduit Brown, Matheson, Leiber, Sturgeon, Silverberg, Zelazny, et Philip K. Dick qu'il a contribué à imposer par une anthologie magistrale, par sa version d'Ubik en français. Récemment, à travers les neuf volumes des Territoires de l'inquiétude, il poursuivait ces activités polymorphes qui firent passer son œuvre au second plan. Révélé en 1959 par "la Vana", reine des anthologies dans bien des pays, il hésitait à se croire écrivain. Et pourtant, des dizaines de nouvelles et un roman témoignent de son obstination secrète. « Que ce soit sous les déguisements peu convaincus du Fantastique ou de la Science-Fiction, l'auteur revient sans cesse au même motif inlassablement brodé : l'accouplement à la femme porteuse de mort. »
écrivait Jean-Pierre Andrevon dans son Livre d'or.
Déclinant inlassablement les vertiges de la vampirisation, Dorémieux a porté son écriture au blanc incandescent. Il ne concevait l'amour que hors les normes.
Je suis triste d'avoir perdu un tel ami.