Michael Marshall Smith : Avance rapide
(Only forward, 1994)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Inconnu jusqu'alors, Michael Marshall Smith vient de se voir édité en France sous la forme de deux romans monozygotes, Frères de chair et Avance rapide. L'un comme l'autre empruntent à la Fantasy pour créer des boucles spéculatives clairement apparentées à la SF. Cette mixité profite à l'auteur pour être intégré, soit à une collection de “suspense” chez Calmann-Lévy, soit chez Pocket (qui ne publie plus de Science-Fiction depuis des lustres).
La gémellité de ces œuvres, écrites à deux ans d'intervalle, se révèle à travers plusieurs thèmes récurrents : la recherche d'une drogue absolue, le monde du rêve pénétrable où les chats servent de passeurs, les sortilèges de la ville caméléon ; thèmes attachés aux privilèges exorbitants que l'auteur attribue à l'enfance, seule époque de la vie où l'esprit — selon lui — influence la réalité.
En dehors de ces obsessions particulières, l'écriture de Michael Marshall Smith est conditionnée par la démarche impressionniste de ses héros, dominée par une forte tendance à modifier le scénario à mesure que les difficultés s'entassent. Car M.M.S., soumis aux vertiges de l'invention permanente, ne craint jamais de déborder le synopsis qu'il avait sans doute déterminé au départ pour s'immerger avec volupté dans un délire jusqu'au-boutiste. Si bien qu'en fin de parcours, la logique structurelle de ses romans n'apparaît pas toujours.
Avance rapide en est le meilleur exemple. Placé sous le label “histoire de détective”, ce roman décrit l'enquête d'un nommé Stark, chargé de retrouver l'ingénieur Alkland, disparu au sein d'une cité protéiforme. Ses habitants, regroupés par affinité, définissent le cadre de chaque quartier. Ainsi le Centre, l'Action, le Rouge, le Coloré, le Stable, etc., qui ne manquent pas de pittoresque. Après une mise en bouche où Marshall Smith joue d'une manière sheckleyenne avec les objets de la technologie future, nous plongeons dans le vif du sujet : Jeamland, lieu de convergence collective des rêves, dont les dérèglements surviennent sous forme de cauchemar tels des bogues informatiques. Les audacieux qui en trouvent la porte peuvent y entrer éveillés. Stark, qui sait rêver en plein jour, va tenter d'en ramener Alkland, à ses risques et périls. C'est en accumulant des mensonges à l'adresse de ses clients, ses amis, ses ennemis, du lecteur, que le détective obscurcira l'affaire jusqu'au dénouement.