Valerio Evangelisti : le Corps et le sang d'Eymerich
(il Corpo e il sangue di Eymerich, 1996)
roman de Science-Fiction et de Fantasy
- par ailleurs :
L'enthousiasme qui poussa les membres du jury du prix Tour-Eiffel, après d'autres, à choisir pour lauréat Valerio Evangelisti me laisse pantois. Quel intérêt peut-on trouver au troisième volume de sa série sur Eymerich ? Bien des gens ignoraient que son personnage central avait été l'inventeur du Directorium inquisitorium, écrit à Avignon en 1376, aimable recueil de pratique élémentaire qui offre toutes les recettes pour traquer les hérétiques, les coupables de latrie, de dulie et de nécromancie, ainsi qu'un catalogue exhaustif des tortures appropriées. Peu de gens savaient encore qu'Evangelisti n'était qu'un fabriquant de seconde zone, d'humeur procédurière, qui composait des romans d'une truculente nullité avec systématisme, en alternant les chapitres ancrés dans le xive siècle avec ceux qui se déroulent de notre temps. Pourquoi le mettre en lumière ?
À la première lecture, on peut trouver amusant ce parallèle entre deux époques, cette double série d'événements censés produire un “effet de champ” qui éclairerait notre siècle à la lumière des hérésies diaboliques et autres manipulations alchimiques du passé. Encore faudrait-il que la cuisine soit originale. Comme l'affirme le prière d'insérer, Evangelisti tente de mêler la littérature feuilletonesque d'un Paul Féval aux préoccupations métaphysiques d'un Umberto Eco. S'il caricature avec facilité le style du premier, sa veine spéculative, mâtinée d'un zeste d'érudition à la portée d'une encyclopédie Larousse, ne se hausse jamais à la hauteur de son projet, ne produit que des stéréotypes. Dire que le Corps et le sang d'Eymerich, l'ouvrage dont il est ici question, mérite le label Science-Fiction revient à prétendre qu'À la recherche du temps perdu est un manuel de bridge.
Jugez-en sur pièce : à Castres, Eymerich conduit une enquête pour éradiquer les redoutables naassènes, qui exècrent Ialdabaoth, Dieu de la Bible, créateur de la matière, car il a enfermé l'esprit de l'Homme dans un corps. Pour s'évader de leur dépouille terrestre, ils boivent le sang de Sophie, fille incestueuse et dégénérée du comte de Montfort, qui porte en lui la Mort rouge. Parallèlement dans les années 1950, Pinks, un biologiste du Ku Klux Klan, découvre un moyen de contaminer le sang de ses patients de couleur, qui gonflent et meurent comme des mouches, afin de débarrasser la planète des Nègres.
C'est l'anémie falciforme, en principe génétique, qu'il va successivement tester pendant la guerre d'Algérie, chez Fidel Castro, dans une secte en Guyane, en Irak, jusqu'à ce qu'une mutation mette les Blancs en péril d'une épidémie.
Ni les hérétiques ni les Humains n'en réchapperont.
Une chute qui tombe à plat. L'histoire s'inscrit telle qu'on l'avait devinée dès les premières pages du roman ; pas une surprise, pas un vertige, ni sentiment ni curiosité. Eymerich est si cruel, Pinks est si méchant. Corrompu par Satan, l'Homme est immonde. Et pourquoi la Mort rouge plutôt qu'une forme de sida primitive ? Enfin bref, même si vous avez du temps à perdre, prenez le métro, c'est plus distrayant.