Roland C. Wagner : le Chant du cosmos
roman de Science-Fiction, 1999
- par ailleurs :
Roland C. Wagner connaît le milieu spatial mieux que sa poche. Je le soupçonne d'avoir déjà lu des opéras de l'espace dans le ventre de sa mère à l'insu de la parturiente. Christine Renard l'initia ensuite au chant du cosmos à travers la fine fleur de la Science-Fiction mondiale. Bercé, nourri, élevé dans le lait des nébuleuses, il y a élu son domicile électif. Comment s'étonner dans ces conditions que ses romans les plus réussis relèvent du genre, qu'il y manipule les grands thèmes avec aisance, qu'il soit l'intime des extraterrestres de tous poils, familier de leurs mœurs, comme l'expert des planètes singulières qui tournent autour de soleils paradoxaux.
Cette intelligence rare de la galaxie et de l'univers extragalactique fait sa force, lui confère le sens aigu du détail qui accroche, de la péripétie qui séduit. Et son humour comme son sens du merveilleux triomphent des justifications un peu trop vétilleuses du spécialiste. Aussi, n'hésitez pas à vous embarquer dans le Chant du cosmos où sa virtuosité instrumentale fait oublier les pièges que lui tend la littérature. Car Roland C. Wagner est avant tout un mélodiste hors pair dont l'intuition rythmique et la sensibilité harmonique savent masquer une technique parfois nonchalante.
Océanien, pacifiste, végétarien, bouddhiste d'inclination, le jeune Yeff, étudiant en langues sur Diasphine, rencontre sa muse, Clyne, qui l'initie au “Jeu” : un espace de compétition mentale entre “Penseurs” où la fusion neurosomatique et la conscience métaphysiologique se conjuguent pour approcher un nouvel état de la pensée. Mais certains jouent en traître. En particulier l'exécrable Raïk Wamkadh, batailleur et carnivore, qui utilise la filière incisive pour éliminer ses concurrents. Il s'avère que ce divertissement pour initiés, dont les retombées médiatiques semblent faibles, dissimule dans son processus d'autres enjeux beaucoup plus vastes. Ils concernent non seulement la lutte héréditaire entre l'Empire et la Famille, mais aussi le fondement de l'expansion interplanétaire de l'Humanité, l'onduleur d'espace qui permet de traverser l'univers presque instantanément. On trouvera sa charmante description page 263.
Flanqué d'un maedre, animal assez collant mais doué d'une affection utile, Yeff éclaircira bien des points obscurs d'une Histoire du futur qui appartient déjà à l'histoire de la SF.
Loin des canons classiques de la SF anglo-saxonne, Roland C. Wagner n'y chante pas les exploits guerriers qui vont habituellement de pair avec la conquête de l'espace. Lire le Chant du cosmos, c'est s'immerger dans le saugrenu, l'insolite, le surprenant, en compagnie d'un subtil musicien d'idées.