Brian Aldiss & Roger Penrose : Mars blanche
(White Mars, 1999)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
« Rechercher l'excellence a un sens. C'est un objectif accessible, qui contient sa propre satisfaction. Rechercher le bonheur conduit à la débauche, aux fast foods et au désespoir ».
Tel est le sentiment que cherche à faire partager Tom Jefferies, leader consensuel, à ceux qui se sont embarqués vers Mars. Six mille. À peu près la population de la petite république d'Athènes.
Voici l'occasion unique de réaliser une utopie pour ces scientifiques qui refusent de terraformer la planète rouge. Deux raisons de créer Mars blanche : le lieu s'avère assez inerte et silencieux pour découvrir la “tache oméga”, qui assigne sa masse à toutes les particules de l'univers. La découverte de cette trace hypothétique donnera enfin une consistance à la réalité. En second lieu, Eupacus, le fabuleux consortium qui tient le monde de l'espace sous sa coupe, vient de s'écrouler dans un scandale sans précédent. Condamnés à la solitude, les naufragés s'interrogent.
Dans quelles conditions atteint-on à l'excellence ? L'accord n'est pas unanime. La langue, la nationalité, la religion, le sexe = plaisir = surpopulation, la drogue, la domination parentale, les formes de l'éducation, tout oppose les uns aux autres. Par exemple, la phobie du tabac — à laquelle adhère Aldiss —, n'est-elle pas l'exemple d'une intransigeance aussi nocive pour la paix civile que celle de ses consommateurs ? La tolérance n'est guère une vertu humaine. Alors que faire lorsqu'on a identifié l'influence pernicieuse des “croquemitaines” sur la société : conflit permanent entre culture passéiste et idées nouvelles, impérialisme anthropocentrique, adhésion aveugle aux idées reçues, prédominance des nantis sur les démunis. Heureusement, le cinquième, prédominance du marché, n'a plus cours ici puisque l'argent n'existe pas.
Malgré une certaine pesanteur du récit, l'atmosphère psychologique qui accompagne le vol interplanétaire, la difficile adaptation aux dômes, les surprises d'une vie différente, les sensations, les dépressions, les enthousiasmes, les conflits trouvent sous la plume de Brian W. Aldiss leur parfaite expression littéraire. Les paysages du silence et de la mort géologique lui donnent l'occasion de suggérer l'étrange, de traduire le défi impossible que lancent ces Hommes à l'adresse de l'utopie, toujours plus loin chaque fois que l'on croit l'atteindre.
Quelles sont les lois idéales pour qu'une espèce vive sans s'autodétruire, en conservant l'entière vigueur de sa créativité ? Tel est le thème de ce suspense lent, intelligent, drôlement amer, qui offre en guise de conclusion surprenante toute la magie de l'altérité.