Olivier Paquet : Structura maxima
roman de Science-Fiction, 2003
- par ailleurs :
La Science-Fiction serait-elle née de la vapeur ? La présence d'une industrie lourde occupant des provinces entières, de puissantes locomotives traversant les continents en tous sens sur les réseaux de chemin de fer, dès le milieu du xixe siècle, frappa l'imaginaire collectif. Et bouleversa la société en brassant les populations, modifiant ses mœurs. D'où la nécessité pour les écrivains visionnaires de formuler des conjectures romanesques qui s'inspirent d'un monde en pleine mutation technologique. Or voilà qu'après plus d'un siècle et demi d'existence, la SF revient à ses sources et accouche d'un nouveau sous-genre, le steampunk. En partant du principe que celui-ci n'est pas fatalement d'essence anglo-saxonne, pourquoi ne pas rechercher une mine d'inspiration inédite dans les mouvements intellectuels qui accompagnèrent l'évolution scientifique ? Le Futurisme par exemple. Comment négliger en effet Filippo Tommaso Marinetti, son fondateur, poète de la vitesse et de l'obsession lyrique de la machine, inventeur de la femme mi-humaine mi-aéroplane destinée à remplacer le Soleil. Ses écrits évoquent une symbiose entre symbolisme et anticipation. Olivier Paquet s'en inspire pour son premier roman, Structura maxima. Sans négliger les déviances ultimes de Marinetti dans sa période fasciste, prônant la guerre, « seule hygiène du monde »
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La Structure est une coque de métal sombre et dure qui enveloppe et contient les membres d'une société humaine organisée en niveaux, avec champs, forêts, fleuve, villages, ascenbus, routes, trains express, etc. Sous la lumière des globétoiles, des statues cyclopéennes symbolisent les fondateurs, créateurs des chaudières. Depuis le socle, les Vapeuriers — pourquoi pas les Vaporistes puisque tous les noms du roman ont une consonance italienne ? — produisent de l'énergie à partir du plasma, innervent d'électricité les parties supérieures de la paroi dont les Poutrelliers entretiennent les armatures de soutènement en proie à de puissantes contraintes.
Au cours des âges, un ensemble de litiges religieux et politiques a dégénéré en de profonds antagonismes. Les Vapeuriers célèbrent le rendement, la rationalité autour du livre culte Poesia, tandis que les Poutrelliers, plus proches du ciel de fonte et plus légers, se vouent à la religion de Valladolis. Le conflit est imminent.
Il fallait ambition, souplesse, puissance de style pour suggérer cet univers totalement factice issu d'une utopie futuriste dont les origines restent obscures. Olivier Paquet n'en manque pas. Le plaisir de lecture réside d'abord dans son habileté à traduire l'inexplicable. Son écriture fait preuve d'une élégante maîtrise pour nous introduire au cœur du mystère. Allusions, sensations, métaphores tissent lentement les mailles de ce monde fantasmatique. Mais, s'il s'avère très inspiré à travers la vision de ses personnages, peut-être est-il moins à l'aise lorsqu'il amorce la dynamique du conflit, nous entraîne à marche forcée vers le déclenchement de la guerre.
Structura maxima s'impose néanmoins. Car c'est une œuvre originale, conçue autour d'une conviction : le pouvoir des mots vaincra un jour celui de la force bestiale. Son avènement devrait concourir à l'hygiène du monde.