Stephen Baxter : Poussière de lune
(Moonseed, 1998)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Déjà, en 1997, Stephen Baxter nous avait alertés par son regard original sur les Premiers Hommes dans la Lune de H.G. Wells, considéré en tant que témoignage scientifique. L'idée lui a trotté dans la tête jusqu'à nous livrer aujourd'hui le produit de sa réflexion. 712 pages d'un roman massif, sérieux, documenté, mais inventif dont les conclusions débouchent sur une vision déconcertante de notre satellite, investi à l'origine par l'impact d'un mystérieux “on-ne-sait-quoi”. Curieux livre que ce Poussière de lune, où tout est excellent mais hétérogène, au point qu'il semble la carte d'échantillons de tout ce où peut exceller Baxter. C'est-à-dire un sens du détail poussé à l'extrême. Par exemple, le sentiment aigu de la tectonique et des mouvements géologiques qui agitent les astres. Ou bien l'approche psychologique des personnages à travers le regard du géologue de la NASA, Henry Meacher (misogyne acariâtre aux réactions imprévisibles). Enfin, un rythme du montage quasi cinématographique qui tient le lecteur haletant jusqu'au dernier chapitre. À condition que celui-ci veuille s'abandonner à cette forme de réalisme en Science-Fiction, qui n'est pas issu de la bonne vieille hard science telle qu'on l'imaginait à l'âge d'or, mais d'une fécondation réciproque de l'école documentariste anglaise et de l'anticipation scientifique.
Poussière de lune est donc un roman hermaphrodite où les glandes mâle et femelle s'interpénètrent spontanément. La première génère une conjecture dont la portée sera considérable. Après Vénus qui explose par contamination, quelques centigrammes de poussière de lune extraits d'une pierre rapportée depuis des décennies par Jays Malone (un astronaute d'Apollo XI) rallument les volcans qui embrasent la terre d'un feu terrifiant. Soit, à terme, un processus de désintégration de notre planète. La seconde accueille l'idée que notre société repue, en voie de déshérence, pervertie par le jeu politico-économique, est désormais inapte à réagir aux catastrophes qui la menacent. Sauf si quelques esprits audacieux échappent à l'assoupissement général.
Certes, l'écriture de Baxter, qui s'attache à restituer en scènes fragmentées la propagation de la catastrophe, n'atteint pas à la puissance de suggestion d'un John Brunner dans Tous à Zanzibar. Par contre, la dernière partie du récit, dont le thème porte sur le départ d'une poignée d'aventuriers pour terraformer la Lune et refonder une nouvelle société humaine, approche de la perfection. Grâce à la précision des détails technologiques, la minutie des notations subjectives, des sensations objectives, ce qu'un amateur de voyage spatial rêve de vivre à travers la littérature s'infuse en lui telle une vision subliminale.