John Courtenay Grimwood : reMix
(reMix, 1999)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Par un curieux effet miroir, il semble qu'un certain nombre de jeunes auteurs de Science-Fiction anglo-saxons subisse la fascination du style de cinéma que le genre a lui-même enfanté. Surtout dans sa forme actuelle basée sur le tout virtuel, l'ambiance techno-polar, le morphing, les effets spéciaux et la microspéculation. Pour ces écrivains de SF, il ne s'agit plus d'interroger l'avenir en se livrant à de vastes conjectures sociologiques, de profondes anticipations poétiques, mais de plonger dans un monde décadent et chamboulé, situé dans un futur indéterminé, où l'univers cinématographique se serait matérialisé. On y retrouve le folklore des films d'aujourd'hui : conspirations religieuses à l'échelle de la galaxie, noirs complots mondialistes, mégalomanes omnipotents, gourous déviants, nanotechnologie, aliens redoutables, engins spatiaux mirobolants, drogues aux pouvoirs supranormaux, armes sophistiquées, kung-fu survitaminé, cyberhéros camés à la violence, et virus à toutes les sauces. Avec, pour stimuler la saveur de l'ensemble, des emprunts au xixe siècle ou au Moyen Âge, époques qui font recette, le glutamate du rétro.
John Courtenay Grimwood échappe heureusement au principal travers de ce courant moderne, le mysticisme. Il ne faut donc pas confondre reMix, son dernier ouvrage, avec les nébuleux Matrix, un, deux, trois. S'il emprunte souvent les mêmes effets, son œuvre n'y ressemble pas. Nous sommes ici dans l'opus trois d'une uchronie, située dans un univers où le quatrième Reich tente d'envahir le troisième empire. Les “marques” sont toutes puissantes. L'Islam est un enjeu perturbant sur l'échiquier politique. Paris va succomber sous les nanites azéri qui transforment le fer en mou de veau. LizAlec, fille de Dame Clare, procureur impérial, vient d'être enlevée sur la Lune. En servant d'otage, suffira-t-elle à dénouer la crise ? Fixx, DJ cul-de-jatte et shooté au crystalMeth, saura-t-il la délivrer des griffes de Frère Michel, créateur du nouvel Éden ?
On le comprend, nous ne sommes pas dans la fiction spéculative, mais au cœur du roman popu relooké SF. Et c'est dommage. Car Grimwood, vu son talent de conteur et ses aperçus souvent originaux, devrait se hisser à un meilleur niveau s'il lâchait l'ombre pour la proie. Au lieu de délayer ses trouvailles en chapitres de pure action, on devine qu'il n'aurait aucune peine à les exploiter de façon plus riche, plus neuve s'il structurait son récit. Son sens du dialogue, son humour roboratif, sa plume rapide l'entraînent à délaisser son sujet pour verser dans la facilité. L'histoire se noie dans un kaléidoscope de situations extrêmes qui, envisagées d'un autre point de vue, offriraient au lecteur le plaisir de penser. Mais voilà, pour bien des écrivains la Science-Fiction n'est plus un objet littéraire mais un gadget à produire des images et du son destinés à la consommation courante. En cédant à ce cinéma du stéréotype, ils laissent l'avenir sombrer derrière l'écran.