Charles Stross : Crépuscule d'acier
(Singularity sky, 2003)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
On ne peut pas plus déclarer la guerre à Festival qu'on ne déclare la guerre au sommeil. En effet, c'est un véritable cauchemar qui commence quand cette entité mystérieuse s'approche d'un lieu habité ; surtout si son système de société est soumis à la chape de plomb de l'ignorance. Festival serait une branche lointaine de la civilisation humaine qui a migré vers son propre réseau, une ambassade nomade qui se déplace au hasard de l'espace pour libérer l'information, partout où celle-ci est muselée. Son arme est simple : Festival fournit tout ce que désire le peuple en échange d'un simple renseignement. En quelques semaines, grâce à la cornucopia (corne d'abondance), un foutoir généralisé s'instaure quand la profusion de biens succède à la restriction, aux traditions musclées, à la peur. Ce qui exaspère l'humeur de l'empereur Ivan Hasek III protecteur de la Nouvelle République lorsque Festival débarque sur la planète Rochard, sa colonie. Surtout qu'il y existe déjà des opposants clandestins anarcho-trotskyste. L'empereur lance donc une expédition punitive transtemporelle, sans savoir qu'il est dans le collimateur de l'ONU et de l'Eschaton, puissance future qui déteste qu'on remette son avenir en cause.
À partir de ces données, Charles Stross, qui n'a pas les mains dans les poches lorsqu'il se trouve devant un clavier, nous livre un texte foisonnant et drôle, un space opera qui pourrait être écrit par un fils allumé de Lewis Carroll ou des Marx Brothers.
Singularity sky (pourquoi traduit par Crépuscule d'acier ?) n'est pas un roman de tout repos. Car, s'il jouit d'un sens de la fantaisie débridée, l'auteur ajoute une tournure pataphysique à son scénario fort bien construit. Comme on le sait par Jarry : « La Pataphysique est la science des solutions imaginaires »
. Il ne faut donc pas s'étonner que les concepts spatio-temporels, les technologies du voyage intergalactique, de la guerre spatiale, le bricolage d'objets sophistiqués y prennent un tour scientifique des plus incongrus. Bien souvent, l'allure spéculative de la démonstration dépasse la vitesse de la lumière. Ce qui entraîne des explications jubilatoires où la physique quantique sert d'écheveau aux tortures délicieuses que l'écrivain inflige à notre cerveau.
Certes, on pourrait quelquefois reprocher à Stross d'abuser de son talent et d'ajouter des pages aux pages sans réelle nécessité. Mais pourquoi gâcherions-nous son plaisir, puisqu'il sait nous le faire partager.