Richard Paul Russo : le Cimetière des Saints
(the Rosetta codex, 2005)
roman de Science-Fiction
Le plus agréable dans les publications du Belial’, c'est le soin donné à la typographie, au prière d'insérer, à la biographie de l'écrivain, l'ajout d'un marque-page, mille détails qui évoquent l'intérêt et le suivi d'un éditeur à l'égard des romans qu'il choisit. Le moins intéressant dans l'œuvre de Richard Paul Russo, c'est l'aplomb avec lequel l'auteur utilise les ressorts du roman-feuilleton pour écrire de la Science-Fiction. Rien n'y manque : le héros orphelin, le viol de la fidèle servante défigurée, l'héritage prestigieux, l'amour blessé, l'ignominie des conjurés, l'idiot prophétique, le secret derrière la porte des étoiles.
Cela n'a rien de rédhibitoire, car ces données fondamentales du romanesque servent de levier à certains chefs-d'œuvre, parce qu'elles y sont “transfigurées”. Russo, qui sort des ateliers d'écriture célèbres et célébrés aux USA, n'en a cure. Son but est de livrer un ouvrage professionnel, calculé, calibré, pour offrir au lecteur ciblé un roman qui ne le décevra pas. En ce sens, il est évident qu'il y parvient. Nœuds et progression de l'intrigue, rythme des chapitres, management du suspense, description des personnages et des paysages, style allègre, revirements de situation ressortissent d'une technique parfaitement maîtrisée.
À ce point que le critique le plus sourcilleux se laisse entraîner sans effort dans ce récit où sont revisités la plupart des standards du space opera. Rescapé d'un vaisseau spatial — son père est mort pour sa survie —, Cal parviendra-t-il à comprendre les enjeux de ce sacrifice ? Après un long et douloureux apprentissage dans la partie sombre du Monde de Conrad, retrouvera-t-il la piste des aliens dont le projet de renaissance se situe dans les profondeurs de la cité de Morningstar ? Avec pour soutien les Résurrectionnistes, et pour clé, le codex de Rosette ?
Une apothéose politiquement correcte à la manière de Rencontre du troisième type suffira à apaiser notre curiosité, s'il en est.
Ce qu'il y a d'inquiétant, dans ce genre de production, ce n'est pas l'absence d'imagination, le désintérêt pour la spéculation qui est l'essence même de la SF, mais cette servilité commerciale qui fait douter qu'un auteur — je ne dis pas un écrivain — en soit à l'origine. On se demande comment Richard Paul Russo a pu recevoir le Philip K. Dick Award pour un précédent ouvrage, la Nef des fous, tant sa pensée, son écriture sont à cent lieues de son modèle. Tout est si congru dans le Cimetière des “sains” qu'on croirait lire un roman usiné par ordinateur.