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Radieux, c'est le mot qui vient à l'esprit en lisant le deuxième volume des nouvelles complètes de Greg Egan commencées avec Axiomatique, tellement la variété de son inspiration, la maîtrise du récit force l'enthousiasme. Mais qu'on cesse d'écrire qu'il est « l'écrivain de Science-Fiction le plus fascinant depuis Philip K. Dick ». Ce dernier néglige toute préoccupation scientifique pour faire de la SF une exploration de la névrose existentielle face au défi de l'avenir. Egan emprunte ses métaphores à la physique quantique pour s'interroger sur la nécessité de l'Homme dans l'univers. C'est sa gloire de produire une Science-Fiction entièrement nouvelle. Mais le genre ne se résume pas à deux auteurs. J'en connais des dizaines qui les égalent ou les surpassent.

La première originalité de Greg Egan, c'est d'ignorer le principe de la “chute”, chère aux générations précédentes, pour utiliser un procédé de “filage en douceur vers la fin” qui lui permet d'émettre les idées les plus ébouriffantes sans que le lecteur soit déçu par l'attente d'un retournement de situation qui n'est pas nécessaire, car tout est déjà inscrit dans le corps du texte. Son art repose sur une exposition du récit, une présentation des personnages d'une méticuleuse précision dans le détail, qu'accompagne une argumentation indiscutable des faits. Grâce à cette savante méthode, Egan sait nous entraîner vers les paradis artificiels de la technologie de pointe, du paradigme scientifique, où le moindre de nos actes, de nos pensées, de nos habitudes serait différent. Bref, il détient le génie de nous extirper de notre ordinaire pour nous installer de force dans un monde complexe et dangereux, l'avenir.

Que ce soit dans la jungle biotechnologique inventée par les fabricants de drogue pour protéger leur trafic, à la recherche de "l'Ève mitochondriale" qui aurait engendré l'Humanité, à la traque médicale du bonheur provoqué par un cancer dans le cerveau, aux sources de la barrière fœtale qui interdira la naissance d'homosexuels, ou face aux extraterrestres qui s'opposent à la découverte de la discontinuité mathématique, c'est un plaisir de suivre Greg Egan dans ses exercices d'une troublante misanthropie. Sans oublier l'humour tortueux dont il fait preuve en jouant avec la physique quantique dans "la Plongée de Planck", l'histoire d'un “exosoi” au bord d'un trou noir.

Pour terminer cette chronique, félicitons les éditions Éons pour l'excellent numéro de la revue Lunatique sur Michel Demuth. Nouvelles, entretiens, bibliographie de l'un des meilleurs écrivains français mort cette année, un dandy bien trop ignoré.