William Gibson : Code source
(Spook country, 2007)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
« Une fois qu'on a fini de le faire éclore, il n'y aura plus de cyberespace, hein ? C'était une perspective, une façon de visualiser notre destination. On y est. On est passé de l'autre côté de l'écran »
dit l'un des personnages de Code source. Au nom de ce sentiment, William Gibson nous entraîne dans un nouveau monde googlisé, ipodisé, adesseulé, régi par l'internet et le GPS. La réalité est devenue celle qu'il a entrevue à l'époque où il inventait le mouvement cyberpunk. Ce qui produit un roman de SF sans SF où la spéculation n'est plus nécessaire puisque le futur est advenu.
Il en ressort une extraordinaire impression de statisme, comme si le temps s'épaississait, que les événements se mettaient à freiner et que les héros de son histoire doutaient d'en arriver à la conclusion, faute de deviner ce qui se trame : ni Hollis, l'ancienne chanteuse du groupe Curfew que l'on engage dans un nouveau journal pour parler du locative art, ni Alberto, créateur de mort virtuelle, ni Tito, un Cubain chinois en perfusion avec d'énigmatiques dieux caraïbes, ni Milgrim, victime d'un emprisonnement médical, ne savent exactement quel rôle Gibson leur attribue. Tout juste apprend-on que leur sort est attaché à un conteneur bleu mystère qui vogue vers Vancouver. Perdus au cœur de cette poix narrative, à part dialoguer à propos de leur inquiétude, il ne leur reste qu'une solution : s'accrocher aux mille détails de leur environnement, de leur habillement, de leurs outils technologiques. S'ensuit une litanie de marques de pantalon, de chaussures, d'ordinateur, de nourriture, d'objets design, symboles d'un enfermement caractéristique de l'ère qui s'annonce où chaque individu ne sera que le produit de ce qui l'habille, de ce qu'il consomme et de ce qu'il mange. Avec, en toile de fond, le 11 septembre et la guerre en Irak qui s'éternise.
Certes, William Gibson est un écrivain de talent dont le sens de la description, le goût de la métaphore, le style ont fait leurs preuves. Nul doute que ses aficionados apprécieront le plaisir de se plonger dans cette atmosphère à la Burroughs, envappés par la drogue douce de son écriture. « L'un des premiers authentiques romans du vingt et unième siècle »
dixit le critique du Washington Post. J'espère qu'il y en aura d'autres. Car, pour ma part, Code source, fruit de la copulation entre le cyberpunk et le Nouveau Roman, souffre d'un déficit d'imagination.