Peter Watts : Vision aveugle
(Blindsight, 2006)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Le thème de la rencontre avec une entité venue d'ailleurs est consubstantiel à la Science-Fiction. Mais depuis Rendez-vous avec Rama, le chef-d'œuvre d'Arthur C. Clarke, peu d'écrivains ont atteint ce niveau d'intelligence et de complexité que déploie Peter Watts dans Vision aveugle.
Comment communiquer avec une espèce supérieure, apparemment dépourvue de projet, vivant dans l'espace au sein d'un artefact insaisissable, qui évoque au mieux un test de Rorschach ? C'est tout le problème que se pose l'équipage du Thésée, vaisseau terrien dont les membres semblent autant de spécialistes caractériels — surtout le récitant qui, privé de la moitié de son cerveau, ne connaît pas l'empathie. En arrachant un extraterrestre au vaisseau, peut-on parvenir à lui transmettre et à recevoir des informations grâce à la “Chambre chinoise” ? Principe qui devrait permettre d'établir une conversation en usant de symboles sans signification ? Ou bien faut-il utiliser la torture ?
À partir de ces données, Watts va enchaîner les situations insolites, les conflits énigmatiques dans un flot verbal qui marie le lyrisme à la science, les théories de l'absurde à la réflexion philosophique. Emportés par une sorte de folie supérieure qui fait “craquer” les concepts les mieux établis, nous pénétrons peu à peu les arcanes du sujet qu'il traite en filigrane. Aucun système ne peut se comprendre lui-même. La conscience de soi résulte du fait que nous voyons le monde en aveugles. À la rigueur nous ne sommes que des métaphores de nous-mêmes. C'est pourquoi la vie humaine n'est qu'un mensonge accepté.