Serge Lehman : Retour sur l'horizon
anthologie de Science-Fiction française, 2009
Considérée comme un activateur d'idées, la Science-Fiction a d'abord connu son essor grâce à la parution de nouvelles en magazines. Souvent, les premières œuvres qui ont marqué les esprits, comme Demain les chiens de Clifford D. Simak, les Chroniques martiennes de Ray Bradbury [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ], sont nées d'une série de nouvelles retravaillées sous forme de roman. S'il existe donc une tradition bien ancrée dans ce genre littéraire, c'est l'anthologie.
Selon un rituel parfois excessif, ce type de publication s'est perpétué jusqu'à nos jours, soit pour sélectionner les meilleurs textes parus au cours d'une année, d'une décennie, d'un auteur, soit pour produire des recueils réunissant des nouvelles autour d'un thème : robots, clones, voyage dans le temps, etc.
Mais dans ce registre, il existe des aventures plus innovantes, comme la création d'une œuvre collective, réalisée sous la direction d'un chef d'orchestre. Ces entreprises plus rares, faisant appel à des inédits, ont reflété, reflètent l'évolution de la Science-Fiction depuis sa naissance.
Avec Retour sur l'horizon, Serge Lehman, qui n'en est pas à son coup d'essai, nous donne un état des lieux de la SF française d'aujourd'hui, en quinze textes d'écrivains connus ou inconnus aussi divers que passionnants.
S'il faut à tout prix leur trouver un lien, il suffit d'apprécier combien les auteurs français ont su se débarrasser du folklore atrophié de la SF pour nous offrir des œuvres si personnelles, si marginales qu'un lecteur non averti pourrait fort bien croire qu'il ne s'agit pas d'une anthologie de Science-Fiction.
Et pourtant, impossible de s'y tromper, il existe dans ces nouvelles un esprit spéculatif, une façon d'envisager le présent en terme d'avenir, bref un son particulier qui dénote ses origines.
Que ce soit à travers la sophistication extrême de Fabrice Colin, la noirceur stratégique de Catherine Dufour, la subversive métaphore d'Éric Holstein sur les lendemains de la bulle financière, tout dit qu'en manipulant le réel avec les outils de l'imagination on obtient des effets pervers qui enrichissent notre vision d'un xxie siècle en pleine mutation.
Ce qui n'empêche en rien la liberté de broder d'angoissantes sutures sur les franges de la mort, comme le fait André Ruellan ; d'explorer les astéroïdes avec la virtuosité d'un astronaute accompli à la manière de Jean-Claude Dunyach ; de frayer dans l'océan avec Jérôme Noirez. Ou bien encore, tel Léo Henry, de construire un conte inachevé en trois récits.
Tout inspire l'audace des compagnons du Retour sur l'horizon, surtout le travail de l'écriture, le goût du style. Ainsi que me le disait Boris Vian au début des années cinquante, lorsqu'elle ressurgit en France sous ce nom, la Science-Fiction sera littéraire ou ne sera pas. Pari réussi.