Greg Egan : Océanique
nouvelles de Science-Fiction réunies par Quarante-Deux, 2009
- par ailleurs :
Troisième volume des nouvelles complètes de Greg Egan après Axiomatique et Radieux, Océanique a ceci d'original qu'il n'existe pas de recueil équivalent en anglais. Il contient des textes de 1989 à 2007 qui permettent de mieux comprendre sur la durée les réflexions thématiques de l'auteur.
Ce qui frappe de manière constante, c'est le rejet d'une société qui ne lui convient pas ; son interrogation à propos d'une Humanité qui ne le satisfait pas ; l'espérance du changement grâce aux avancées scientifiques, à la physique quantique qui nous offre d'augmenter nos connaissances, tellement inférieures à nos lacunes.
Car en fait que nous sommes-nous ? Peut-on être un autre ? Ne sommes-nous rien de plus que les histoires que nous nous racontons à nous-mêmes ?
Les religions ne sont que balivernes ! Liberté, égalité, fraternité, les symboles d'une vaste dérision, puisque la vie n'est qu'un séjour fragile édifié sur un abattoir.
D'où cet axiome paradoxal : l'Homme aurait construit l'univers et l'aurait oublié. Depuis ses origines, il s'efforce de le comprendre pour le reconstituer d'une manière différente.
Chacune des nouvelles propose une astucieuse tentative d'explorer cette idée à travers des variations originales qui, spéculatives avant tout, sont écrites pour y réfléchir, non pour la prouver.
Histoire de clones, comme "le Réserviste", douloureuse expérience du partage de la personnalité. "Poussière", réflexion d'un être informatique qui se demande s'il est possible de devenir quelqu'un à partir du “bruit”, soit une métaphore de la réincarnation consciente. "Les tapis de Wang" où un lancer de clones à travers dix millions d'années-lumière cube permettrait de savoir s'il existe des extraterrestres.
Histoires complexes au sein d'univers multiples où les actes accumulés des individus, même s'ils optent pour des choix différents, ne modifient pas nécessairement le destin des civilisations. À moins d'inventer des Humains qui échappent à l'hérédité par la procréation numérique.
Mais, si Greg Egan poursuit sa quête avec une rigueur parfois aride pour le lecteur, il ne s'empêche pas d'aborder d'autres sujets. Fort poétiques comme dans "Océanique". Caustiques dans "le Verrou" où il suggère que la tristesse infinie de l'amour partagé est préférable à la séparation. Il s'amuse à dauber de manière radicale sur l'obscurantisme des adversaires des OGM. Voyage avec mélancolie dans un tiers-monde où maladie et émigration sont la honte de nos sociétés dites évoluées.
Par son érudition, sa technique littéraire, comme dans "Lama", le plus fascinant de ses textes, Greg Egan prouve que la Science-Fiction s'essaye à devenir une nouvelle forme de langage.