Maurice G. Dantec : Satellite sisters
roman de Science-Fiction, 2012
- par ailleurs :
Treize ans après, Maurice G. Dantec nous livre avec Satellite sisters la suite de Babylon babies, ce qui lui donne l'occasion de ressusciter quelques personnages de ses premiers romans. En considérant la littérature comme un des arts martiaux, une arme de combat opérationnelle, il entraîne d'emblée son lecteur dans un pugilat verbal où les mots s'entrechoquent, verbes saqués, collision d'adjectifs, oxymores explosés. En même temps qu'il tente de conserver, vis-à-vis de ses héros, des événements, des décors, un regard distancié, quasi clinique, on pénètre peu à peu dans le cerveau de l'auteur qui nous dévoile l'architecture de ses terreurs, ses fantasmes, ses certitudes. Ce qui n'est pas sans rappeler la prose de Salvador Dalí décrivant ses propres turpitudes sous l'angle paranoïaque critique. Sauf qu'il s'agit ici de schizophrénie active.
Premier chapitre : Hugo Cornélius Toorop, le mercenaire de la Sirène rouge, explose dans l'espace (avec un sourire) en un tourbillon de molécules à six cents kilomètres d'altitude.
Pourquoi, comment ? La cosmonarration en expansion va nous l'apprendre. D'où surgit-elle ? Des sœurs Ieva et Sara Zorn, filles jumelles de l'héroïne de Babylon babies, créatures quantiques à l'ADN transgressif, susceptibles de se projeter dans l'avenir afin de créer une fiction rétrofuturiste. En compagnie de Joe-Jane, intelligence artificielle en évolution et de Plante-Codex, une liane mutante. Sans compter Darquandier, le génial inventeur, accompagné d'une bande d'allumés aux idées souvent dévastatrices.
Mais que ce prologue ne vous affole pas. Dantec possède assez de punch, d'invention, de ressources pour nous propulser jusqu'au terme de ses cinq cents pages dans une affolante course-poursuite pleine de bruit, de fureur. Depuis l'île intégrée où nos héroïnes croissaient en paix, en passant par l'Australie, Las Vegas et ses satellites casinos, pour se projeter sur la Lune, enfin vers Mars. Style rock et musique répétitive où alternent passages sublimes et contrepoints vraiment nazes.
Quelles sont les raisons de cette fuite ? L'homo sapiens sapiens atteint son terme, place à l'homo sapiens infinitus. Les sœurs Zorn en sont le germe. C'est pourquoi le Gouvernement global, l'ONU-2.0, les tueurs du GloBI veulent les annihiler.
Sur ce thème et ses dérivés, Maurice G. ne fait pas dans le détail, exploite à fond ses idées sur l'Homme, le monde, la société, l'univers, Dieu, la physique de pointe, les armes technologiques, la mutation considérée comme un des beaux-arts. Rouleau compresseur obsessionnel, il pense à mesure qu'il écrit, négligeant de s'observer le nombril, tout à la tâche d'édifier une œuvre dantesque. Apôtre de la littérature toxique, Dantec ne fait pas partie des écrivains qui se masquent derrière leur prose. Il se montre à nu en toutes circonstances. Ce qui force la fascination, suscite aussi une certaine lassitude. Et un regret, les satellites sisters aux pouvoirs extrêmes manquent singulièrement de présence charnelle.