Philip K. Dick : Romans 1963-1964
troisième tome de la réédition des principaux romans de Science-Fiction de l'auteur, 2012
« Le postulat de départ qui domine dans toutes mes nouvelles, c'est que s'il m'était donné de rencontrer une intelligence extraterrestre (plus communément appelée “créature venue de l'espace”), je me rendrais compte que j'ai plus de choses à lui dire qu'à mon voisin de palier. »
« Sans doute est-ce ça la vie : ce qu'on craint le plus ne se produit jamais, mais à ce à quoi on aspire le plus n'arrive pas non plus. C'est la différence entre la vie et la fiction. Sans doute est-ce mieux comme cela. Mais je n'en suis pas certain. »
Une pierre lancée dans un lac suscite un beau rond. Puis d'autres jets enchaînent des interférences du plus merveilleux effet. Mais le passant qui les admire ne peut savoir dans quel ordre elles se sont formées, et le plus souvent encore moins qui les a causées.
Le lecteur de l'œuvre d'un écrivain se trouve quelque peu dans la même hésitation. Certaines influences reçues ou subies sont avouées ; d'autres non. Et il est souvent plus difficile encore de distinguer celles qu'a exercées le même œuvre, même si l'on dispose en général d'un ordre chronologique et de l'étude des écrivains soupçonnés.
Ces influences peuvent s'étendre bien au-delà de la sphère littéraire, au domaine du cinéma et de l'audiovisuel, voire à celui d'auteurs variés en dehors même du champ initial, et la tâche n'en est que plus complexe.
Risquons-la.
Philip K. Dick a été influencé par les auteurs qu'il a découverts dès l'âge de douze ans dans les pulps de Science-Fiction qu'il lisait assidûment et qu'il conservait précieusement. Toutefois, cette influence semble en quelque sorte indirecte. Alors que les auteurs de nouvelles pour les pulps se prenaient plus ou moins au sérieux — encore qu'il faille relativiser —, Dick ne réemploie leurs gimmicks qu'avec beaucoup de désinvolture et souvent d'humour même s'il l'habille de tragique. Il n'attache manifestement aucune crédibilité aux voyages interplanétaires ou interstellaires, aux robots et autres machines intelligentes et encore moins peut-être aux extraterrestres, qu'il n'hésite pas à décrire comme grotesques. Il ne retient de ces clichés que ce qui lui permet de développer ses propres conceptions sur le doute ontologique et sur la nature de l'humain. Curieusement, cet auteur qui n'a presque rien publié dans Astounding science fiction,(2) semble avoir entendu et retenu la leçon de John W. Campbell, Jr., qui préconisait, outre une certaine qualité d'écriture, de mettre l'accent sur le facteur humain. Il a subi également son influence à propos des mutants et des capacités psioniques, marotte de Campbell. Celui-ci était convaincu de l'existence de pouvoirs latents dans l'humanité que des mutations allaient révéler, et s'efforçait de convaincre ses auteurs de les introduire dans leurs histoires. Manifestement, il a réussi en ce qui concerne Dick qui, par ailleurs, a indiqué plusieurs fois qu'il ne croyait pas un instant à ces sornettes.
Mais la détection précise des influences subies est toujours une entreprise problématique. L'auteur dont Philip K. Dick a reconnu le plus obligeamment s'être inspiré est Alfred Elton van Vogt (1912-2000), écrivain canadien(3) d'origine néerlandaise, ce qui explique peut-être en partie sa singularité. L'influence est avérée puisque avouée. Elle est manifeste dans Loterie solaire,(4) mais elle prend la forme d'une citation dans la nouvelle "le Monde de Jon"(5) où une machine à voyager dans le temps accumule de l'énergie, « une surcharge d'ergs temporels », ce qui est un emprunt à la nouvelle de Van Vogt, "la Balançoire",(6) reprise dans la conclusion des Armureries d'Isher,(7) emprunt que rien ne justifie dans le texte de Dick.
Dick rencontre Van Vogt à la première convention à laquelle il assiste, celle de San Francisco, en 1954, l'année où il écrit Loterie solaire. Le débutant est ébloui par le grand ancien. Mais dès 1953, il lui a rendu un hommage ironique dans sa nouvelle "Non-O"(8) qui fait manifestement allusion au Monde du non-A.(9) L'histoire s'achève sur l'espoir d'une bombe assez puissante pour détruire l'Univers, ce qui est tout à fait van vogtien.
La veine paranoïaque d'A.E. van Vogt (souvent teintée de mégalomanie), manifeste dans la quête de Robert Hedrock du cycle d'Isher et dans l'enquête de Gilbert Gosseyn dans celui du Non-A, se retrouve aussi dans la nouvelle de Dick "Rapport minoritaire".(10) On y rencontre aussi le principe van vogtien du dérapage incontrôlé qui consiste à relancer son scénario sur une piste inédite tous les quatre mille signes au point de le rendre peu clair. Reste à savoir si Dick a été influencé là par Van Vogt, ou bien s'il l'a choisi comme modèle en raison de ses propres tendances.
D'autres influences sont moins évidentes. Mais je crois déceler celle de Ray Bradbury dans quelques nouvelles relevant du Fantastique ou du moins de la Fantasy, c'est-à-dire de l'étrange ou de l'insolite au sens qu'avait le mot à l'époque. Ce sont des textes situés dans le présent quotidien et qui manifestent une touche intime et poétique, même si Dick est loin d'atteindre au lyrisme économique dans ses moyens qui caractérise Bradbury et ses propres inspirateurs, John Steinbeck et William Saroyan. Ainsi dans "la Vie courte et heureuse du soulier animé",(11) peut-être dans "les Joueurs de flûte",(12) "l'Homme sacrifié",(13) "le Constructeur"(14) surtout, ou encore dans "Derrière la porte".(15) "Interférence"(16) semble presque une variation sur la célèbre nouvelle de Bradbury, "un Coup de tonnerre".(17) Je ne puis rien affirmer, mais cette note disparaît de l'œuvre de Dick après 1954. Il s'est trouvé une voix et n'a plus besoin d'emprunter l'accent des autres. Quoique dans sa nouvelle "le Retour des explorateurs",(18) plus tardive, je croie retrouver cette tonalité même en faisant abstraction de la note martienne.
Au surplus, comme Bradbury, et certes avec quelques autres auteurs éminents de la Science-Fiction, Dick s'en prend au conformisme américain, à la publicité envahissante, à la soumission de la vie quotidienne à l'emprise des gadgets et des services inutiles promus par d'immenses sociétés deux fois anonymes.
Chose beaucoup plus étrange, avec sa nouvelle "Nouveau modèle",(19) Dick pourrait bien avoir influencé Frank Herbert (1920-1986). Dans les annexes de Dune, probablement rédigées au fil des années 1960 et au plus tôt à la fin des années 1950, Herbert fait allusion à la Guerre des Machines qui aurait opposé des robots guerriers aux humains, et il y revient dans un bref passage rétrospectif de l'Empereur-Dieu de Dune, le quatrième volume du cycle.(20) Cette Guerre des Machines a conduit à l'interdiction de fabriquer toute forme d'intelligence artificielle et à développer les potentialités des humains par l'entraînement et par la sélection génétique. Bien que Frank Herbert soit peu disert là-dessus, il fait manifestement allusion à des machines de guerre autonomes qui traquent et tuent sans pitié les humains et menacent de les exterminer.(21) Or si la thématique de la révolte des robots est bien, et même abondamment, représentée dans la Science-Fiction antérieure, cette variante qui ne semble correspondre à aucune notion aussi triviale est présente, et à ma connaissance pour la première fois sous cette forme, dans la nouvelle de Dick "Nouveau modèle". Il la prolonge dans "Autofab"(22) et plus indirectement dans "Visite d'entretien".(23) Des sociétés humaines en guerre totale, en l'occurrence les États-Unis et l'Union soviétique, ont développé des robots-soldats, et ceux-ci se mettent à évoluer selon une logique darwinienne, les usines automatiques qui les fabriquent ne cessant de les perfectionner en vue du combat qui les amène à affronter ceux de l'autre camp. En sus, ils tuent tout humain, y compris de leur camp, qui n'est pas protégé par un code. Ainsi, il ne s'agit nullement d'une révolte des robots ni d'une volonté de ceux-ci de réduire l'humanité en esclavage ou de l'exterminer, mais d'une logique guerrière ayant échappé à ses développeurs humains et poussée à son terme. Il est très vraisemblable que Herbert l'ait lue : il publie sa première nouvelle de Science-Fiction en 1952 dans Startling stories. Il avait commencé à se documenter pour Dune en 1959 et a pu s'en souvenir. Herbert est très avare d'information sur le Jihad Butlerien et la Guerre des Machines qui aboutissent au commandement de la Bible Catholique Orange : « Tu ne feras point de machines à l'esprit de l'homme semblable. ». La Guerre intervient dix mille ans avant les événements relatés dans Dune et elle conduira, entre autres conséquences, au développement des capacités humaines, soit par sélection génétique (le Bene Gesserit), soit par entraînement forcené (les Mentats). Le Jihad Butlerien doit sans aucun doute son nom au remarquable écrivain anglais du xixe siècle Samuel Butler : néo-luddite, il prévoyait dès 1863 une évolution darwinienne des machines et l'avènement de machines intelligentes qui à la fois condamneraient l'humanité à la paresse intellectuelle et finiraient par la dominer. Il développe l'idée dans son roman utopique Erewhon(24) dans des termes qui sont presque exactement ceux repris par Herbert.(25) Et on peut même se demander si Philip K. Dick, boulimique de lectures, n'y a pas puisé son inspiration pour les nouvelles précitées.
Mais il y a beaucoup plus étrange encore. J'ai déjà évoqué dans une précédente préface(26) l'étonnante coïncidence selon laquelle Dick écrit en 1955 son roman l'Œil dans le ciel et y décrit des mondes divergents subjectifs, alors que cette même année Hugh Everett (1930-1982) rédige un article sur les univers multiples en physique quantique qu'il ne publiera que plus tard, en 1957, en même temps que paraît le roman de Dick. En 1956, Everett a soutenu sa thèse où il ne fait qu'une mention relativement discrète de sa théorie des mondes multiples, en fait de mondes divergents, dite encore théorie des états relatifs, sous la pression de son mentor, le grand physicien John Wheeler qui, d'abord sceptique, adoptera plus tard et défendra cette théorie.
Dick n'est certes pas l'inventeur des mondes parallèles, mais la plupart des textes importants qui y font appel sont postérieurs à son roman. La théorie d'Everett, elle, est révolutionnaire. Elle vise à résoudre le problème de la mesure qui n'a rien à voir avec l'imprécision des mesures en mécanique classique. Le problème de la mesure en physique quantique vient de ce que la fonction d'onde de Schrödinger décrit de façon déterministe et causale toutes les trajectoires (et autres propriétés) que peut adopter en superposition un objet quantique avant sa mesure. Un tel objet, à partir de son émission, n'a pas de trajectoire (et autres propriétés) actuelle, réelle et cachée, mais des trajectoires (et autres propriétés) virtuelles éventuellement en grand nombre dont les probabilités peuvent être calculées avec une très grande précision. Il peut, par exemple, se retrouver de l'autre côté de l'univers, avec une probabilité vraiment très faible mais non nulle. Lors de la mesure, la superposition disparaît et un seul point d'arrivée (et autres états) est observé. Il y a donc une contradiction logique entre la multiplicité des états prévus par la fonction d'onde et l'unicité, apparemment purement aléatoire et donc indéterminée, du résultat de la mesure. Où sont passés tous les autres états possibles ? Everett propose qu'ils se sont tous réalisés, mais dans des univers différents. Dans le cas pathétique et bien connu du chat de Schrödinger, un physicien dans un univers constate que le chat est vivant et dans un autre univers un autre physicien découvre que le chat est mort. Le déterminisme est sauvé même si la théorie d'Everett pose quelques problèmes délicats. En tout cas, elle ne peut être ni prouvée ni réfutée puisqu'aucun échange n'est possible entre de tels univers, ce qui en fait une théorie proprement métaphysique. Mais son rejet entraîne des incohérences encore plus délicates entre les postulats qui sous-tendent la théorie quantique.
D'où Everett a-t-il bien pu tirer cette idée étrange qui avait le mérite de résoudre un problème sur lequel bien des théoriciens éminents, dont John von Neumann, s'étaient cassé les dents pendant une bonne trentaine d'années ? Certainement pas du roman de Dick puisqu'il ne paraît qu'après qu'Everett a soutenu sa thèse. La coïncidence est amusante, mais elle n'explique rien. Cependant, Philip K. Dick publie, en mai 1953 dans le magazine Science fiction quarterly, une nouvelle écrite l'année précédente, "le Monde qu'elle voulait".(27) Or dans cette nouvelle, sans aucune allusion à la physique quantique, Dick décrit exactement la profusion de mondes qu'Everett va introduire dans sa théorie. Allison dit à Larry : « … il y a beaucoup de mondes… Et de toute sorte. Il y en a même des millions, des milliards. Autant que d'individus. Chacun a son monde propre, Larry, son univers bien à lui. »
. Le reste de la nouvelle est à l'avenant et annonce les univers subjectifs de l'Œil dans le ciel. Si on remplace individus par observateurs, on obtient le point de vue d'Everett.
Or on sait qu'Everett était un lecteur de Science-Fiction. La probabilité est assez grande qu'il ait lu la nouvelle durant ses études et qu'il se soit dit : bon sang, mais c'est bien sûr. Ça résout le problème de la mesure ! Tout comme pour Frank Herbert, on ne le saura jamais avec certitude sauf si son fils Mark, musicien de rock, ou un autre de ses héritiers révèle un jour qu'il a découvert la revue en question dans les archives de son père.(28)
En sus de l'auteur de Dune et d'un éventuel physicien, Philip K. Dick a influencé de nombreux écrivains dont certains l'ont explicitement reconnu. Le roman d'Ursula K. Le Guin (1929-), l'Autre côté du rêve,(29) est explicitement dickien. Jonathan Lethem (1964-) affirme que la lecture de Dick a changé sa vie.
En France, les auteurs qui se sont le plus ouvertement réclamés de Dick sont Michel Jeury, Emmanuel Jouanne et Maurice G. Dantec. Peut-être peut-on leur adjoindre Alain Dorémieux qui, s'il a peu écrit et ne s'est pas établi directement dans la mouvance de Dick, l'a souvent traduit et a fait beaucoup pour assurer sa reconnaissance.
Il arrive que l'influence vire à l'adulation, et confine à l'exploitation éhontée. C'est ce qu'illustre le Je suis vivant et vous êtes morts(30) d'Emmanuel Carrère. Ce roman biographique exsude le mépris d'un quelque peu cuistre un rien arrogant, convaincu de sa supériorité intellectuelle et sociale, pour la Science-Fiction (« des histoires de petits hommes verts et de soucoupes volantes »
),(31) son public (« des ilotes coupables de grégarisme »
)(32) et finalement pour Dick lui-même, autodidacte ramené à la dimension d'un Forrest Gump ou d'un Ed Wood et qualifié de « piètre styliste de surcroît »
.(33) Au mieux un complet cinglé. Carrère, lui-même styliste appliqué, non dépourvu d'une certaine habileté mais sans imagination, justifiant « l'abyssal mépris des lecteurs cultivés pour la Science-Fiction »
,(34) manifeste une misogynie appuyée sur les femmes de Dick, castratrices, hystériques, dominatrices, ou faibles et geignardes, à la seule exception de Kleo, simple naïve gauchiste et baba cool. Au surplus, Carrère occulte complètement la dimension de l'humour qui parcourt toute l'œuvre de Dick, à la seule exception d'une anecdote probablement inventée, mais qui lui est prêtée et m'a fait rire, à propos d'un faux imposteur proclamant à la télé qu'il a été le plus grand imposteur du monde.(35) Dans les faits, Dick est un grand humoriste que je situerai entre Jonathan Swift et Mark Twain. Sans oublier Kafka.
Dans ce que rapporte Carrère du seul événement dont je fus le participant et le témoin oculaire, tout est ridiculement faux.(36) Dick ne délivra pas le 24 septembre 1977 sa fameuse allocution dans un salon du Sofitel, mais dans une grande salle annexe de la mairie de Metz. Son accompagnatrice Joan boudait peut-être, mais elle était surtout malade. Au premier rang se trouvaient les éditeurs, traducteurs et amis de Philip K. Dick, très probablement Alain Dorémieux, Hélène Collon, Jacques Chambon, Stefan Wul, et si je me souviens bien Norman Spinrad, à coup sûr l'organisateur, Philippe Hupp, et Élisabeth Gille, Robert Louit, Philippe Curval, Dominique Douay, Michel et Anne-Marie Demuth, Roger Zelazny, Jean-Baptiste Baronian, John Brunner, Jacques Goimard et moi-même, qu'on imagine mal en « maigres et sarcastiques barbus… vêtus de duffle-coats ou de capotes militaires »
.(37)(38) Marcel Thaon, qui assurait la traduction, eut certes du mal à suivre Dick qui s'était écarté du texte prévu, mais il ne cessa jamais de traduire et fut encore moins “effondré”. Certes, la salle se vida en grande partie comme je l'ai déjà rapporté, et la plupart des assistants furent pour le moins surpris, mais le séjour de Dick au festival de Metz dont il fut l'incontestable vedette demeura pour lui un triomphe. Et certainement pas « cet échec [qui] fut pour lui une catastrophe »
.(39)
Il est regrettable que la plupart des lecteurs n'aient eu accès à la vie et l'œuvre de Dick qu'à travers cet ouvrage contestable.
Au-delà de la littérature proprement dite, Dick, par son interrogation ontologique et par sa critique de la société contemporaine, a essaimé dans le champ philosophique. Il est sans doute excessif de lui rattacher Deleuze et Guattari, et pourtant la métaphore des rhizomes(40) qui leur est chère illustre bien à la fois le foisonnement interne de l'œuvre de Dick et la diffusion horizontale et non hiérarchisée de ses conséquences externes. Mais il est arrivé à Jean-François Lyotard de le citer et il a nourri la réflexion de Boris Eizykman dans Science-Fiction et capitalisme.(41) À l'intersection peu fréquentée de la philosophie et de la musique, Richard Pinhas synthétise. C'est sans doute le philosophe, critique littéraire et théoricien marxiste américain Fredric Jameson qui lui a accordé dans son œuvre la place la plus importante, notamment dans sa réflexion sur le post-modernisme.(42)
Une vaste partie de cette influence qu'il devient du coup difficile de cerner tient aux ambiances que Philip K. Dick a su communiquer à travers son œuvre, romans, nouvelles, allocutions et essais. Certaines sont devenues très tendance.
Au début des années 1950, Dick met souvent en scène, dans une série de nouvelles qui s'enchaînent, la Guerre froide devenue chaude et les suites de l'apocalypse nucléaire. La guerre de Corée (1950-1953) venait tout juste de s'achever ; elle avait fait plus de trente-six mille morts du côté américain(43) et avait failli conduire, sous le commandement du général MacArthur, à un bombardement nucléaire de la Mandchourie qui servait de base arrière aux agresseurs nord-coréens et chinois. Le thème est courant à l'époque dans la Science-Fiction, mais Dick lui donne une dimension plus immédiate, plus réaliste que la plupart des auteurs qui se contentent souvent d'y trouver l'occasion d'une table rase, d'un recommencement, d'une renaissance. Il en dérivera notamment deux romans, Docteur Bloodmoney(44) et la Vérité avant-dernière,(45) et composa à partir d'extraits du premier (qui est un de ses chefs-d'œuvre) une curieuse nouvelle, "une Odyssée terrienne".(46)
Puis cette inquiétude ciblée vire à l'ambiance paranoïaque. De façon de plus en plus insistante, Dick exprime une méfiance qui devient angoisse à l'endroit de toute autorité en particulier gouvernementale sans en exclure les trusts, conglomérats, transnationales et autres entités économiques privées, voire des formes intériorisées au sein de collectivités restreintes. C'est l'ambiance de la société de contrainte qui revient dans toute l'œuvre, romans et nouvelles, qu'il s'agisse du communisme comme dans "la Foi de nos pères"(47) ou d'un plus proche friendly fascism selon une expression courante dans les années 1960 et 1970. Déjà présente dans Loterie solaire et l'Œil dans le ciel, elle s'exprime notamment, certes avec ironie, dans sa célèbre nouvelle "Souvenirs à vendre"(48) portée deux fois à l'écran. Mais elle va déborder sur sa vie à plusieurs reprises lorsqu'il s'estimera surveillé par le FBI et la CIA dès 1963 ou 1964 et culminera avec le mystérieux épisode de son cambriolage du 17 novembre 1971 qu'il attribua, entre autres hypothèses, à une “intervention du gouvernement”.
Cette méfiance à l'endroit du gouvernement fédéral s'alimente aussi de l'opposition de Dick et de nombre de ses amis, dont Norman Spinrad, à la guerre du Việt Nam (1964-1975). Mais elle est plus essentielle et concerne, au-delà de la personnalité de Dick, une attitude répandue aux États-Unis, en particulier chez des intellectuels de gauche comme de droite, et parmi eux des écrivains de Science-Fiction. La posture libertaire n'est jamais loin. À son extrême, elle conduit à l'idéologie libertarienne. Elle est d'ordinaire mal comprise des Français qui, du régicide à l'exaltation du pouvoir central, jacobins ou girondins, ont souvent manifesté une sorte de schizophrénie à l'endroit du Pouvoir, tantôt vilipendé comme administration technocratique organe d'un pouvoir répressif, tantôt invoqué comme garant d'une égalité de façade et d'une sécurité due à l'État-Providence. La position américaine telle que l'exprime Philip K. Dick procède d'une autre histoire. Les États-Unis ont été constitués pour l'essentiel par des Européens qui, sur trois siècles au moins, fuyaient des monarchies, des dictatures et des régimes autoritaires, et entendaient se doter d'institutions respectueuses de la dignité et de la responsabilité individuelle d'hommes libres. De plus, ils sont formés d'États dont l'autonomie est réelle et les disparités économiques et politiques importantes : la Californie, patrie de Dick, n'est pas le Texas qui n'est pas le Vermont (capitale : Montpelier), loin s'en faut. La lourde et opaque machinerie politique, administrative, économique et militaire de Washington, les quatre (au moins) services de renseignement de l'exécutif, l'intrication entre l'industrie, la finance, les élus et l'administration à travers le lobbying, nourrissent bien des fantasmes et des scénarios que l'on retrouve en filigrane à travers l'œuvre de Dick.
Lors d'un entretien avec Bernard Blanc et Yves Frémion à Metz en septembre 1977, Dick se présente comme un homme de gauche, en partie peut-être pour leur faire plaisir, tout en prenant ses distances d'avec le communisme, et déclare :
« Je pense qu'avec la fin de la guerre du Việt Nam, les Américains ont compris qu'ils préféraient de beaucoup avoir un gouvernement pacifique qui ne se mêle pas de leur vie privée, qui ne les espionne pas, qui ne surveille pas leurs activités politiques. Les Américains sont par essence apolitiques, tout ce qu'ils veulent c'est qu'on les laisse tranquilles, et je crois qu'ils ont pris conscience avec horreur que ce n'était pas le cas, que leur gouvernement ne leur laissait aucune indépendance. Je crois que maintenant qu'ils savent ce que c'est que de vivre dans une société où les dirigeants en savent plus sur leurs sujets que les sujets sur eux-mêmes, on va assister à un terrible renforcement de l'individualisme américain, du désir de ce peuple d'avoir une vie privée non soumise à l'influence du gouvernement. »
Et plus loin :
« Les Américains ont une tradition d'individualisme. Ils ont montré par le passé qu'ils souhaitaient que leur gouvernement soit aussi discret que possible. Jefferson a dit : “un gouvernement qui gouverne moins gouverne mieux”. J'ai probablement hérité de ce principe. Pour moi, le gouvernement idéal est un gouvernement au pouvoir aussi limité que possible qui se mêle le moins possible de la vie des gens. »
C'est évidemment l'État fédéral qui est visé.
La méfiance et le doute s'étendent encore pour devenir ontologiques et constituer une troisième ambiance qui sans doute est celle qui a le plus frappé les lecteurs de Dick. Rien n'est certain. Le monde est un spectacle dont la vérité nous échappe comme dans ce qui est son chef-d'œuvre, Ubik.(49)
Dick se demande : qu'est-ce que le réel ? Mais il se demande aussi : qu'est-ce qu'être humain ? Qu'est-ce qui fait l'humain ? Qui est vraiment humain ? Cela a été abondamment traité par ses exégètes. Mais une question sous-jacente a moins souvent été examinée dans son œuvre, celle de la responsabilité et du libre arbitre.
Qui est vraiment humain ? À la pire extrémité du spectre, on trouve les robots-tueurs de "Nouveau modèle" qui n'ont de l'humain que l'apparence. Un peu plus près, les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?(50) expose ses créatures à la vie brève et au désir de passer pour, voire de devenir, humains. Les simulacres passent eux, totalement, pour humains jusqu'à ce que quelqu'un découvre qu'il ne s'agit que de marionnettes dans Simulacres.(51) Le parfait faux de "l'Imposteur",(52) convaincu de son humanité, ne découvre sa véritable nature qu'une réplique trop tard. Un autre, dans "la Fourmi électrique",(53) en singulier solipsiste, s'aperçoit que le monde qu'il perçoit dépend du déroulement d'une bande perforée dans sa poitrine. Et s'il coupe la bande…
L'humain biologique est-il si différent de ces hommes-machines ? Le voisin de palier, le banlieusard, l'employé modèle, l'homme ordinaire, encadré entre son épouse, son téléviseur, son canapé, ses allers et retours quotidiens, son travail et son salon, est totalement déterminé. Dick, dans ses œuvres et dans ses déclarations, en vient, sans doute par ironie, à se demander si la plupart de ses contemporains ne sont pas des simulacres, des machines. Cela serait extrêmement inquiétant si l'on sortait du cadre de la fiction pour entrer dans celui du soupçon, car la distinction entre les humains de faux-semblants d'humains est le socle de toutes les exclusions. Dick est donc à la recherche d'un critère.
Si bien que le thème central, oublié par certains de ses commentateurs, de nombre de ses romans et nouvelles, est celui du libre arbitre et de la responsabilité, du moyen d'échapper au déterminisme, et des façons de reconnaître ceux qui y parviennent ou du moins le tentent. Qu'est-ce qui définit ou caractérise l'humain dans l'Autre, qu'il soit du genre homo (ou non), androïde ou machine, ou encore extraterrestre ? Question fondamentale que, dans la littérature, la Science-Fiction est à peu près seule à poser. Est-ce la simple semblance, comme l'affirme, avec une malice perverse, Alan Turing dans son texte fameux "les Ordinateurs et l'intelligence" ?(54)
Après des années de recherches que certains qualifieront de vaticinations, Dick propose une réponse inattendue : c'est la caritas, le souci de l'autre, l'attention portée à l'autre, la capacité d'empathie. Dick l'exprime ainsi dans sa brève introduction à sa nouvelle "la Petite boîte noire" :(55) « Le concept de caritas (ou ἀγάπη) apparaît dans mes textes comme donnant la clé de l'humain authentique. L'androïde, humain inauthentique, simple machine réflexe, n'est pas capable d'empathie. »
. C'est une réponse, le souci d'autrui, que l'on pourrait croire inspirée d'Emmanuel Levinas, bien que je doute que Dick l'ait lu malgré l'étendue de ses explorations. Cela résulte du choix de la religion, en l'occurrence le christianisme, comme réponse à la question, choix qui éclaire bien de ses attitudes comme « dès 1973 la vigoureuse prise de position contre la légalisation de l'avortement que traduit "les Pré-personnes" »
.(56)(57)
Mais il y a en face un pouvoir diabolique, celui du solipsisme, le pire de tous, celui d'un autre, abondamment représenté dans l'œuvre. Que se passe-t-il si tous vos désirs se réalisent à votre insu, depuis votre inconscient, comme dans "Que faire de Ragland Park ?" ?(58) Il n'y a plus qu'un grand Autre, terrifiant comme le masque tout en métal aux fentes aveugles à la place des yeux aperçu dans le ciel en 1963(59) ou comme le Palmer Eldritch du Dieu venu du Centaure.(60)
Il n'est pas nécessaire de creuser beaucoup pour voir affleurer partout dans l'œuvre de Philip K. Dick, dès avant son espèce de conversion, le thème de la responsabilité morale. Presque tous ses personnages se trouvent confrontés à des choix difficiles. Il arrive même qu'ils soient confrontés au mal absolu sous le couvert de l'innocence ou de la vulnérabilité, comme dans "Nouveau modèle". Ont-ils la force de résister ? La plupart du temps, non. Ce ne sont pas des héros. Mais ils souffrent de ne pas l'être. Leur occasionnelle et insuffisante lucidité demeure sans conséquence. En quoi ils se distinguent de la plupart des protagonistes de la Science-Fiction américaine. Les écarts à la raison, à la lisière de la Science-Fiction, comme les mutants psioniques de John W. Campbell, Jr., la dianétique de L. Ron Hubbard après les Slans(61) d'A.E. van Vogt visent à faire croire à la possibilité d'un retour à une intelligibilité et à une maîtrise du monde social au moins pour une élite supposée.
Philip K. Dick pose la question en termes extrêmes : et si c'était impossible, si l'individu était désormais sans liberté, même intérieure, dans le monde des États discrètement totalitaires et du capitalisme des transnationales. Le seul monde que peuvent appréhender les humains est devenu — ou reconnu — comme opaque, dominé par des forces qui elles-mêmes n'ont pas l'intelligence de leur destin. C'est un monde du déterminisme absolu et en même temps un monde de crises sans fin, car celles-ci sont les modes à la fois de la justification et de la perpétuation du pouvoir. L'Empire n'a jamais pris fin : c'est un des leitmotive de Dick après ses visions de février-mars 1974.(62) Le Mal a triomphé, c'est ce que ressentent les membres de la classe moyenne planétaire à laquelle Dick appartient et qu'il met en scène. Son doute sur la liberté de l'individu revient à une mise en question radicale de l'idéologie occidentale : et si la démocratie avait échoué, si elle ne menait nulle part, si elle ne tenait aucune de ses promesses. Mon hypothèse est que le succès direct et indirect de l'œuvre de Dick tient à cette paradoxale prise de conscience, à ce décillement, comme il advient dans la Vérité avant-dernière. La seule issue qui demeure est celle de la révélation religieuse, hors ce monde, et de sa déclinaison pratique, la caritas. Dick lui-même s'interroge dans son Exégèse sur le point de savoir s'il s'agit d'une issue véritable ou d'une nouvelle illusion, d'où sa quête éperdue d'une autre voie de la connaissance, qu'on peut juger aberrante, voire absurde, et qui fera l'objet d'une autre préface.
Les idéologies et systèmes du monde développés au xixe siècle sur un mode plus ou moins scientiste, ainsi entre autres le marxisme et les théories de l'inconscient, sans en exclure le darwinisme, avaient pour objet le décryptage du monde en introduisant le soupçon : la vérité est ailleurs ; l'interprétation est devenue reine. Ils ont eu pour descendants monstrueux au xxe les théories du complot, le communisme et les fascismes, et pour corollaire l'obsession de la pureté qui a ravagé le siècle. C'est ce que démolit Dick à sa manière paradoxale : champion de l'herméneutique, il imagine une réponse et la met aussitôt en question. Le décryptage du monde est la grande illusion.
Le dévoilement sans fin et la superposition des illusions me semblent expliquer l'influence et la fascination considérables que l'œuvre de Dick exerce sur les réalisateurs, ces créateurs délibérés d'illusions, sur le monde de l'image cinématographique, télévisuelle et du jeu vidéo. Leur propos n'est pas de déchiffrer la réalité sociale, mais de suggérer qu'elle est désormais indéchiffrable ou que son déchiffrement — à la façon des films d'espionnage — est illusoire. Total recall, c'est : la mémoire ne libère pas, le souvenir est sans fin ni fins. Ainsi vu, le succès de l'œuvre de Dick, si paradoxal dans ce milieu, s'éclaire. Le dévoilement ne dévoile rien qu'une chose ; tout dévoilement est impossible ou plutôt insensé. Derrière le décor, un vide, ou le mur.
En effet, ce succès du côté de l'image animée est paradoxal. Aucun livre de Dick, roman ou recueil de nouvelles n'a jamais été un best-seller comme les aime Hollywood. Son œuvre ne propose guère d'images spectaculaires, mais plutôt des idées assez abstraites. Et pourtant, pas moins de quinze films, trois jeux vidéo tirés de Blade runner et d'Ubik, un épisode d'Out of this world et une série TV de vingt-deux épisodes,(63) ont résulté d'adaptations de ses romans et plus souvent de ses nouvelles. D'autres réalisateurs encore ont été inspirés par ses ambiances. Aucun autre écrivain de Science-Fiction n'a connu un tel engouement de la part des cinéastes, sauf peut-être Jules Verne, ni même à mon imparfaite connaissance aucun écrivain d'autres domaines à l'exception possible de Shakespeare. Cela tombe bien puisque Fredric Jameson a qualifié Dick de “Shakespeare du xxe siècle”. Mais hélas, tout cela est survenu après sa disparition.
Le seul film qu'il ait vu en partie et celui qui a connu le plus grand succès demeure Blade runner (1982) de Ridley Scott, adapté de son roman les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?. Vient ensuite Total recall (1990) de Paul Verhoeven, tiré de sa nouvelle "Souvenirs à vendre" encore plus étonnante que le film malgré sa brièveté. C'est de tous les films dickiens celui que je préfère et qui me semble rendre le mieux ses ambiances. Un remake, Total recall (Mémoires programmées, 2012) en a été mis en images par Len Wiseman, qui s'éloigne davantage de la nouvelle et qui semble avoir été assez fraîchement accueilli. Confessions d'un barjo (1992) de Jérôme Boivin est à ce jour le seul film tiré d'une œuvre de Dick ne relevant pas de la Science-Fiction.(64) Deux réalisateurs canadiens ont adapté de la nouvelle "Nouveau modèle" deux versions, Planète hurlante (Screamers, 1995) de Christian Duguay, et Screamers: the hunting (2009) de Sheldon Wilson. La première est un honnête film digne de la série B, mais aucune des deux ne semble avoir convaincu. Le Minority report (2002) de Stephen Spielberg, adapté de "Rapport minoritaire", est plus intéressant et plus fidèle à l'esprit dickien. Impostor (2001) de Gary Fleder, tiré de la nouvelle "l'Imposteur", semble n'être jamais sorti en France. Paycheck (2003) de John Woo, adapté de "la Clause de salaire",(65) n'a pas non plus laissé de souvenir inoubliable. Plus original est le film d'animation tourné en rotoscopie par Richard Linklater, a Scanner darkly (2006) fondé sur le roman Substance mort.(66) Linklater avait d'abord eu l'intention de tourner Ubik, mais il a renoncé. Next (2007), réalisé par Lee Tamahori et adapté de "l'Homme doré",(67) connut un certain succès auprès du public mais fut boudé par la critique. Radio free Albemuth (2010) de John Alan Simon, tiré du roman Radio libre Albemuth,(68) après une production problématique, ne fut apparemment jamais distribué en France. L'Agence (the Adjustment bureau, 2011) adapté par George Nolfi de la nouvelle "Rajustement"(69) obtint un joli succès. Viennent enfin deux projets : chez Disney, le Roi des Elfes, film d'animation dirigé par Chris Williams et issu de la nouvelle de même titre,(70) devrait sortir en 2013 ou 2014 après bien des péripéties.(71) Ubik, sous la direction du français Michel Gondry, l'auteur d'Eternal sunshine of the spotless mind (2004), est attendu avec impatience et anxiété pour le 1er janvier 2013.(72)
Au total, Philip K. Dick n'a pas été bien servi, à trois ou quatre exceptions près, par ses réalisateurs qui ont le plus souvent vu l'occasion, à partir de ses histoires, de tourner des thrillers déjantés. Comme il arrive souvent, l'image a trahi l'écrit. Mais il a influencé et inspiré au moins seize cinéastes,(73) parmi lesquels je citerai David Cronenberg, Andy & Lana Wachowski, Spike Jonze (Being John Malkovich, 1999), Peter Weir (the Truman show, 1998), Andrew Niccol (Gattaca, 1997), Terry Gilliam, David Lynch, et Christopher Nolan pour Inception (2010). Il serait du reste question que Nolan fasse un remake de Blade runner. Et enfin, Looper (2012) de Rian Johnson me semble tout à fait dickien dans son principe.
Cette abondance de représentations cinématographiques et celles aussi, plus ou moins heureuses, qui illustrèrent les couvertures des éditions françaises, correspondent-elles à l'esprit de Philip K. Dick ? Je crains que non.(74) À mes yeux, tout l'œuvre, qu'il se projette dans un avenir très incertain ou dans un espace et sur des mondes volontairement de pacotille, renvoie à un moment assez précis, les années 1950 de l'Amérique, celle de l'après-guerre, à la fois repue de prospérité à crédit, inquiète, confite de conformisme, une Amérique que Bradbury, Dick, et bien d'autres auteurs de Science-Fiction ont interrogée et stigmatisée. C'est Edward Hopper (1882-1967), le plus littéraire des peintres américains, qui en rend le plus exactement compte. Ce qu'écrit Philip Dagen à son propos pourrait s'appliquer à Dick :
« Tous les personnages, hommes et femmes, secrétaires et jardiniers, prostituées et retraités, sont semblablement réduits à une définition professionnelle, l'ordre social étant aussi strict que la géométrie des villes. Jusque dans les années 1940, Hopper peint ce désenchantement du monde et cette réification des humains avec un certain détachement, une sorte de discrétion perverse. Aussi la plupart des spectateurs et des critiques s'y trompent-ils alors et aiment en lui le chroniqueur de leur quotidien, sans se rendre compte qu'il leur renvoie un reflet au mieux inquiétant, au pire effrayant. »(75)
Si ce contresens semble avoir été épargné à Dick, son évolution rejoint celle que Dagen prête à Hopper lorsqu'il conclut que l'œuvre de ce dernier se risque dans ses dernières années vers une période métaphysique. C'est aussi ce qu'on pourrait dire de la dernière partie de l'œuvre de Dick.
Il existe peu d'enregistrements vidéo présentant Philip K. Dick. Cependant, Thomas Cazals a réalisé un montage très remarquable : Adickted, 2005
- "the Days of Perky Pat", 1963, 1963, 1979, dans l'intégrale des Nouvelles de Philip K. Dick, tome 2 : 1953-1981, p. 701, notre édition de référence chez Denoël.↑
- Je n'ai trouvé qu'une nouvelle, "Impostor", publiée en juin 1953 (en français "l'Imposteur"). Mais Dick a peut-être souhaité en donner d'autres à Campbell.↑
- Il ne s'installera à Los Angeles qu'en 1944.↑
- Solar lottery, 1954, 1955, 1968. La première date est celle de la rédaction, la deuxième celle de la première publication américaine et la troisième celle de la parution d'une traduction en France, s'il y a lieu.↑
- "Jon's world", 1952, 1954, 1989.↑
- "the Seesaw" dans Astounding science fiction, juillet 1941, 1977.↑
- the Weapon shops of Isher, 1951, 1961.↑
- "Null-O", 1953, 1958, 1978.↑
- the World of null-A, 1945, 1953.↑
- "the Minority report", 1954, 1956, 1975.↑
- "the Short happy life of the brown oxford", 1952, 1954, 1954.↑
- "Piper in the woods", 1953, 1953, 1986.↑
- "Expendable", 1951, 1953, 1954.↑
- "the Builder", 1952, 1953, 1972.↑
- "Beyond the door", 1952, 1954, 1988.↑
- "Meddler", 1952, 1954, 1958.↑
- "a Sound of thunder" dans Collier's, 28 juin 1952, 1956.↑
- "Explorers we", 1958, 1959, 1965.↑
- "Second variety", 1952, 1953, 1975.↑
- À trouver par exemple dans le deuxième omnibus du Cycle de Dune (Robert Laffont › Ailleurs et demain/la Bibliothèque, 2003), p. 349 à 351.↑
- Les Daleks de la série britannique Doctor Who feraient de bons candidats mais ils sont apparus trop tard, en 1963, pour avoir inspiré Frank Herbert.↑
- "Autofac", 1954, 1955, 1956.↑
- "Service call", 1954, 1955, 1962.↑
- ou De l'autre côté des montagnes (Erewhon or Over the range, 1872) :
“There is no security against the ultimate development of mechanical consciousness, in the fact of machines possessing little consciousness now. A mollusc has not much consciousness. Reflect upon the extraordinary advance which machines have made during the last few hundred years, and note how slowly the animal and vegetable kingdoms are advancing. The more highly organized machines are creatures not so much of yesterday, as of the last five minutes, so to speak, in comparison with past time.”
.↑ - Malheureusement, les successeurs improvisés de Frank Herbert, son fils Brian et Kevin J. Anderson, ont inventé dans les préquelles qu'ils donnèrent à Dune une version beaucoup plus conventionnelle.↑
- Celle du premier recueil, Romans 1953-1959.↑
- "the World she wanted", 1952, 1953, 1986.↑
- Sur la théorie d'Everett et les mondes multiples, lire entre autres textes la Réalité cachée (the Hidden reality, 2011) de Brian Greene, et tout spécialement le chapitre 8. En français chez Robert Laffont en 2012.↑
- the Lathe of heaven, 1971, 1975.↑
- le Seuil, 1993.↑
- Op. cit., p. 33 et autres.↑
- Id. et autres.↑
- p. 161.↑
- p. 187.↑
- p. 205.↑
- Voir p. 337 et suivantes.↑
- Tout au plus, Bernard Blanc et Yves Frémion auraient pu correspondre à cette description, mais dans mon souvenir, ils n'étaient ni l'un ni l'autre barbus.↑
- D'après Lawrence Sutin dans Invasions divines (Divine invasions, 1989), Harlan Ellison, qui était présent à Metz, se serait abstenu de paraître à la conférence. En français chez Denoël en 1995. Édition de référence : Gallimard › Folio Science-Fiction, nº 88, 2002, p. 553 et suivantes.↑
- p. 341.↑
- Voir Mille plateaux, 1980.↑
- Sous-titré Critique de la position de désir de la science (Mame › Repères, 1974).↑
- Voir notamment Archéologies du futur (Archeologies of the future, 2005). En français en deux tomes chez Max Milo en 2007-2008 : le Désir nommé utopie & Penser avec la Science-Fiction.↑
- Et environ quatre mille du côté des autres bataillons de l'O.N.U. britannique, français, turc, etc.↑
- Dr. Bloodmoney or How we got along after the bomb, 1963, 1965, 1970.↑
- the Penultimate truth, 1964, 1964, 1974.↑
- "a Terran odyssey", 1964, 1987, 1991.↑
- "Faith of our fathers", 1966, 1967, 1969.↑
- "We can remember it for you wholesale", 1965, 1966, 1966.↑
- Même titre original, 1966, 1969, 1970.↑
- Do androids dream of electric sheep, 1967, 1968, 1976.↑
- the Simulacra, 1963, 1964, 1973.↑
- "Impostor", 1953, 1953, 1964.↑
- "the Electric ant", 1968, 1969, 1970.↑
- "Computing machinery and intelligence" dans Mind, octobre 1950. À lire dans Pensée et machine (Champ Vallon › Milieux, 1983).↑
- "the Little black box", 1963, 1964, 1967.↑
- "the Pre-persons", 1973, 1974, 1975.↑
- Dans la préface d'Hélène Collon et de Jacques Chambon en 1998 à la quatrième époque (1963-1981) des Nouvelles publiées par Denoël. Ces deux fervents de Dick ont bien vu l'interrogation éthique qui sous-tend son œuvre.↑
- "What'll we do with Ragland Park?", 1963, 1963, 1990.↑
- Épisode évoqué dans ma préface au deuxième recueil, Romans 1960-1963.↑
- the Three stigmata of Palmer Eldritch, 1964, 1965, 1969.↑
- À la poursuite des Slans (Slan, 1940, 1954).↑
- Sutin, p. 468 et suivantes.↑
- Total recall 2070, 1999.↑
- D'après Confessions of a crap artist, 1959, 1975, 1978.↑
- "Paycheck", 1952, 1953, 1988.↑
- a Scanner darkly, 1973, 1977, 1978.↑
- "the Golden man", 1953, 1954, 1982.↑
- Radio free Albemuth, 1976, 1985, 1987.↑
- "Adjustment team", 1953, 1954, 1989.↑
- "the King of the Elves", 1952, 1953, 1982.↑
- On l'attend toujours en 2015…↑
- Le projet semble avoir été abandonné en 2014.↑
- Source Wikipedia…↑
- À quelques exceptions près, comme l''illustration de Jackie Paternoster pour Ubik dans l'édition "Ailleurs et demain" de 2001.↑
- le Monde daté du jeudi 11 octobre 2012.↑