Charmeur d'uchronie
Sauver la planète, sauver les espèces, partout ces idées s'insinuent dans les esprits. Paradoxalement, en s'associant parfois à la technologie. Ainsi, récemment, 600 000 charmeurs de serpents ont fait la grève en Inde. Et ce n'est qu'une petite proportion de la profession puisque, paraît-il, ils seraient huit millions.
Quel rapport, demanderez-vous, avec mon introduction ? C'est qu'un lobby de défenseurs des animaux a obtenu, il y a dix ans, que le gouvernement promulgue une loi interdisant d'exercer ce métier dans les conditions où il est pratiqué. En capturant des cobras sauvages pour les charmer, donc en menaçant l'espèce de se raréfier. Ce qui, entre parenthèses, risque de priver d'une étape sur la voie du nirvana ceux qui prévoient de se réincarner sous cette forme de serpent. Jusqu'à ce jour, la police fermait les yeux.
Mais voilà qu'un charmeur, puis dix, puis cent sont arrêtés. La révolte gronde chez ceux-ci. S'ils n'ont plus de serpent, comment gagner des roupies ? sachant qu'ils ne connaissent que ce métier et qu'il n'est pas question d'en changer. Des voix conciliantes s'élèvent pour proposer qu'on crée des fermes où des cobras domestiques seraient élevés. Pas question, crient les charmeurs. Où serait le danger s'ils jouaient de la flûte devant des serpents familiers ? Sans le frisson, personne ne s'intéresserait à leur face à face avec des bêtes aux dards dépoisonnés.
Pire, une firme propose de créer des cobras artificiels au venin aussi mortel, à l'allure aussi réelle que les vrais. Cette fois, sauveurs et charmeurs s'unissent pour protester. Les premiers parce que la fabrique de serpents en plastique bourrés d'électronique entraînerait nécessairement la production d'effluents dangereux pour la santé ; les seconds parce qu'ils n'auraient pas les moyens d'en acheter.
La situation semble désespérée.
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