Je hais les haies
Je hais les haies. Bien sûr, jadis elles furent utiles, humbles, pittoresques quand elles séparaient les champs avant le remembrement.
Haies de charmes, de prunelliers, d'aubépiniers, d'églantiers où s'emmêlaient les ronces, le lierre, les fleurs sauvages, haies de saules tronqués le long des rivières. Les oiseaux y nichaient, les perdrix y pondaient leurs œufs à l'abri des renards, martres, fouines afin de voir éclore les perdreaux de l'année. Quand on oubliait de les tailler l'espace d'une saison, elles ombraient les chemins creux pour favoriser les ébats amoureux.
Ça, c'était les haies libres que j'aimais. Lorsqu'on vivait en trimardeur, on pouvait se coucher sur le matelas d'herbe qui les bordait, protégé du vent, les yeux fixés vers les étoiles, pour y dormir ensuite durant la nuit.
Mais la haie d'aujourd'hui, style Maisons et jardins, inutile, la haie d'apparat qui rogne les fusains, les lauriers du Caucase, les ifs, les thuyas simplement pour le plaisir de faire fonctionner son taille-haie électrique, je l'exècre. Pourquoi cette révolte soudaine ? Parce qu'un oiseau que je ne connais pas personnellement, sans doute le rouge-gorge venu à l'automne il y a quatre ans, où un merle, a chié la graine d'un troène qui s'est mis à germer tout seul dans un coin du jardin.
Grandet, je le laisse pousser comme un arbuste au lieu de le tailler et de le placer en rang avec d'autres infirmes. Et s'il s'agit d'un ligustrum vulgare, il a des chances d'atteindre cinq mètres avant moi.
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