Problème de cé(cité)
Philippe Curval, billet du 29 novembre 2011
Le maire de Paris est un génie urbain. À moins que ce soit son équipe colorée d'idéalistes. Enfin, il faut proclamer grand et fort que cette municipalité a révolutionné la voirie. Inspirée sans doute par les univers parallèles chers à la Science-Fiction, elle a permis à la chaussée unique de devenir multiple.
Sur un simple ruban d'asphalte, elle a réussi à empiler un couloir pour autobus, taxis, une piste cyclable et même une voie pour les automobiles. En agissant d'une manière si simple qu'il fallait y penser, peindre le sol, y délimiter des zones de parcours supplémentaires.
Mieux encore, celles-ci ne sont pas toujours dans le même axe ! Parfois, elles zigzaguent, les autobus passent à droite forçant les voitures à virer sur la gauche sans qu'on sache pourquoi. Ce qui permet aux piétons égarés par les feux rouges, jaunes, verts à cadences déphasées de se faire faucher par un véhicule. On ne se plaindra jamais assez de la surpopulation qui menace le globe.
Les pistes cyclables s'arrêtent net, pour reprendre plus loin sans logique apparente et, comble de l'indépendance : empruntent à l'envers les sens uniques, mutilant au passage le passant insouciant qui ne regardait que d'un côté en traversant la rue, croyant naïvement à la vertu du panneau qui proclame l'interdit.
Ce qui n'a aucune importance puisque les vélos roulent sur les trottoirs au milieu des tumultueux skateboards (je n'écris pas “planches à roulettes” car le français est toujours ridicule au regard des médias), franchissent les passages cloutés, que les motos utilisent les pistes cyclables, que les patinettes dévalent les rues en pente, que les rollers défilent en groupes moutonniers certains soirs, encadrés par une milice. Que ce fastueux mélange de la circulation laisse présumer que nous vivons en liberté dans la cité.
Je reproche néanmoins une certaine frilosité dans les décisions. À l'avenir, j'aspire à ce qu'on peigne sur le sol des rues parisiennes des voies spéciales pour les cars de tourisme, les ambulances, la police, les sapeurs pompiers, les chefs d'État étrangers, les fourgons bancaires, les braqueurs de banque, etc. De façon à établir d'une manière définitive dans l'esprit des citadins « qu'il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peut l'être un homme coupable d'infamie »
, comme l'écrivait Balzac.
Commentaires
Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.