Albert Sánchez Piñol : la Peau froide
(la Pell freda, 2002)
roman fantastique
- par ailleurs :
Une scène extraite de l'album Monstruo de Carlos Huante aurait peut-être mieux convenu à la couverture de la Peau froide que le détail des Carcans de Leonor Fini qui l'illustre présentement. L'actuelle femme-poisson — qui correspond sans doute mieux à l'image habituellement véhiculée par les publications d'Actes Sud — est bien un personnage du roman mais l'impression de sérénité ingénue qu'elle communique n'a pas de place plus loin lorsque l'on a ouvert le livre et commencé la lecture. Presqu'immédiatement, on est plongé dans un bruit et une fureur d'Apocalypse, dans des scènes de terreur et de massacre dignes du forum des Halles un samedi après-midi si l'on veut s'autoriser une parabole, une allégorie.
Et justement, c'est d'allégorie sur les craintes et les désirs ataviques que l'on nous parle sur la quatrième de couverture, si l'on parvient vivant jusque-là, en faisant au passage allusion à Lovecraft qui rejoint pour l'occasion le rang des grands romanciers du… xixe siècle. Passons sur l'imprécision historique et constatons que présenter ce texte ainsi est typique du lecteur de littérature ordinaire qui cherche toujours à entrevoir ce que l'auteur ne montre pas vraiment, ne voyant de subtilité que dans le suggéré et le non-dit. L'amateur de Science-Fiction, lui, ne voit rien d'inconnaissable, jamais et pas de métaphore non plus ; pour apprécier le genre dans son essence, il se doit de faire taire les élans de son imagination personnelle : le personnage est en poste d'observation météorologique sur une île de l'Atlantique sud pendant un an ; il est à cette occasion attaqué sans relâche par une espèce d'hommes-poissons qu'il extermine allégrement et jusqu'à la dynamite ; la situation, qui a quand même de bons côtés — cf. la couverture évoquée ci-dessus, surtout si on la voit dans son entier… —, finit par lui convenir et, son mandat achevé, il ne retourne pas à la civilisation — ou à ce qui se fait passer comme telle. C'est tout. C'est tout. C'est tout.
On aimerait pourtant autre chose, et une lueur d'espoir jaillit soudain à la page 189 lorsque finalement le héros s'écrie intérieurement : « Qui était-elle ? »
. Nous y voilà donc mais le texte est presque fini, et il nous dit d'ailleurs pratiquement immédiatement que « faisant partie d'une communauté d'êtres qui vivaient sous les océans, toute sa fantaisie était impuissante quand il s'agissait de concevoir son monde, sa vie quotidienne et ses banalités, les principes qui régissaient son existence »
. Toute sa Fantasy, bien sûr, mais toute la Science-Fiction certainement pas ! Nous ne pouvons donc en déduire qu'il ne s'agit alors là que du début d'une fresque, que du premier tome d'un tout bien plus grand où nous explorerons les abysses, et que dans le deuxième que l'auteur doit être généreusement en train de parachever, il y aura sans doute quelque chose, quelque chose.
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