De la Science-Fiction, sinon rien
Lire, Magazine littéraire, les suppléments du Monde et de Libération, tout passe par ici, tout est à la disposition du bibliographe qui désire regarder un peu en dehors des collections de Science-Fiction bien balisées pour voir si des textes qui ne s'annoncent pas vraiment comme tels en relèveraient néanmoins. Et aussi, pourquoi pas, pour voir si à l'extérieur du genre il n'y aurait pas, par le plus immense des hasards, quelques écrits qui donneraient envie.
Mais finalement, force est de constater que c'est plutôt le supplément littéraire du journal belge le Soir qui remplit cet office. Comme un logiciel à l'interface dépouillée, il va à l'essentiel avec un petit côté européen, une touche internationale qui fait défaut aux lourdes machineries évoquées ci-dessus.
Dans le numéro du vendredi 26 novembre 2004, on repère un entretien avec Mélanie Fazi, qui écrit pour faire ressentir ce qu'elle n'arrive pas à exprimer autrement. Plus loin, Raoul Vaneigem, dans ses Modestes propositions aux grévistes, parle de l'abolition, à plus ou moins longue échéance, de l'argent et de sa valeur d'échange, marque de civilisation que connaissent bien les amateurs de Star trek ou de la Culture d'Iain M. Banks.
Dans celui du 3 décembre, à côté d'une double page sur les nouvelles aventures de Valérian et Laureline Au bord du Grand Rien, on nous révèle les motivations lovecraftiennes de Bruno Schulz : un essai désespéré de rendre compte du grand mystère, ce pressentiment de la chose sans nom dont le seul avant-goût sur le bout de la langue dépasse les limites de l'émerveillement.
Mais c'est finalement une critique parue dans un numéro plus ancien qui a déclenché un pas de côté. Qu'on en juge : que fait un amateur de Science-Fiction dans les pages de Mathématique du crime de Guillermo Martínez ? Le titre original, Crimes imperceptibles, nous fournit un début d'explication et le chapitre 7 finit de nous convaincre de l'intérêt qu'il peut trouver à sa lecture : y est présenté le besoin d'esthétique qu'a l'Homme dans ses études et ses actions, qui le pousse depuis l'origine des temps à ne voir et à ne considérer que ce qui satisfait son sens du beau. Le côté noir de la force, les émanations de Za'hadum incarnées par le théorème de Gödel ou la mécanique quantique sont rejetées avec vigueur, ignorées, et dans le cadre d'une enquête policière il suffit de déterminer ce que l'enquêteur considère comme découlant des “meilleures pratiques” de sa profession pour pouvoir ensuite manipuler à loisir ses perceptions, pour lui refaire une réalité qui n'aura que des rapports distants avec le réel mais sera plus à sa convenance… et à celle du coupable. Philip K. aurait apprécié.
Commentaires
Ah ça, surtout dans LiRE: vu que le connard qui y a pris le pouvoir en a éliminé toute trace des littératures de l'imaginaire ; ce n'est certes pas là qu'on lit désormais des chroniques des parutions relevant franchement des genres qui nous intéressent. :-(
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