Le Petit Robert des noms sales
Ah qu'il est doux de ne rien faire en installant sur Mac OS X la nouvelle version électronique du Petit Robert de la langue française. Passons sur les aspects pénibles (obligation d'aller télécharger un programme d'activation, insertion du CD-ROM tous les quarante-cinq jours d'utilisation, caractères graphiques manquants si l'on n'a pas par ailleurs la police Wingdings) pour constater qu'il s'agit là d'une préfiguration des logiciels du proche avenir : tout est en HTML + CSS + JavaScript, y compris l'interface, et, quand on sélectionne du texte, il faut faire attention de ne pas déborder sur les boutons :-) On imagine facilement que très bientôt tout cela ne sera présent que sur un serveur distant avec accès sur abonnement au travers d'un navigateur sans spécificité particulière.
La brochure publicitaire accompagnatrice liste un certain nombre de nouveautés en dehors de la prise en compte du corpus de l'édition papier 2007. Nous en retiendrons plus particulièrement une qui est mentionnée de manière très allusive à la rubrique Confort : la recherche peut maintenant respecter les accents, ce qui nous permet d'avoir enfin la certitude, après des années de soupçon, que "où" est bien le seul mot contenant un "ù" et que "ì" ne fait pas partie de l'ensemble, bien qu'il arrive souvent qu'on le croise cì et là.
L'amateur de Science-Fiction ne sera pas choqué par les définitions avancées : « Genre littéraire qui fait intervenir le scientifiquement possible dans l'imaginaire romanesque. »
ou « Littérature dont le fantastique est emprunté aux réalités supposées de l'avenir. »
. Il remarquera cependant que son vocabulaire habituel n'est guère représenté, et sans finasser avec chronolyse, géoprogrammateur ou nexialiste, il notera néanmoins l'absence d'antigravité, astroport, cyberpunk, cyborg, désintégrateur, dystopie, empathe, holovision, matriarchie, précog, supraluminique, téléportation, terraformation, uchronie, etc., tout en constatant que « Les androïdes peuplent les romans de science-fiction. »
… Les Anglo-Saxons s'y étant mis récemment avec Brave new words: the Oxford dictionary of science fiction, pourrait-on espérer voir un jour l'équivalent ici, ou faut-il vraiment que le site de Quarante-Deux se prenne en main et ouvre une nouvelle section façon wiki où tout amateur éclairé pourrait venir apposer sa définition favorite, avec étymologie, créateur et lieu de premières utilisations ?
Côté citations, les auteurs SF francophones se cherchent également à la loupe. Même pas René Barjavel qui aurait pourtant fait bonne figure à "ravage" ou avec « Être et ne pas être »
. Et quand un mot existe parce que passé dans le domaine public, comme "hyperespace", aucune mise en contexte ne vient éclairer les différentes acceptions, dont seule la mathématique est d'ailleurs donnée.
Nul.
On se console un peu en remarquant par hasard qu'Élisabeth Gille (la directrice de la collection "Présence du futur", eh inculte !) a réussi à rentrer par la petite porte. Mais pas pour son important travail littéraire en faveur de la fiction spéculative, bien sûr, qui n'est manifestement rien à côté des quelques textes pathétiques certes mais parfaitement normaux et donc reposants et rassurants qu'elle a consacrés à ses années de cancer : « Dites-donc, vous commencez à avoir des hématomes partout, je me demande où je vais vous piquer »
et « Il est trop tôt pour déterminer si je m'en sortirai ou pas »
. Non, Élisabeth, tu ne t'en sortiras pas, et nous non plus d'ailleurs.
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