Robert Charles Wilson : Axis
roman de Science-Fiction, 2007
traduction française sous le même titre en 2009
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J'ai lu l'excellent roman Spin (gagnant du prix Hugo 2006 du meilleur roman) dès sa parution il y a plus de six ans. À l'époque, rien ne laissait penser qu'il allait s'agir d'une trilogie ; l'auteur lui-même n'avait apparemment rien prévu de tel. Mais en 2007, lors de la sortie d'Axis, on savait qu'il y aurait un troisième volume. J'ai donc attendu la parution récente de Vortex pour m'y mettre. Comme je ne me souvenais plus trop des détails de Spin, j'ai décidé de le relire avant de me lancer dans sa suite.
La deuxième lecture a été aussi agréable, voir plus, que la première car, connaissant le déroulement de l'histoire, j'ai pu mieux en savourer toutes les subtilités. Spin s'achève lorsque le narrateur, Tyler Dupree, et sa femme Diane, passent sous l'arche gigantesque mise en place dans l'océan Indien par les énigmatiques “Hypothétiques”, qui ont également fait le nécessaire pour que la planète lointaine vers laquelle mène cette “porte” soit habitable par les Humains. Le couple espère pouvoir là-bas entreprendre une nouvelle vie, car sur Terre ils sont traqués par les autorités qui ne leur veulent pas du bien.
Axis commence environ trente ans plus tard, avec un garçon d'une douzaine d'années, Isaac, qui vient de s'apercevoir qu'il arrive à discerner l'est et l'ouest, même les yeux fermés. Il est le seul enfant dans une communauté qui vit isolée dans le désert du continent Équatoria, sur la planète à laquelle on accède par la grande arche mise en place par les Hypothétiques. Les adultes, tous des fourths (traduit par Quatrième Âge), se considèrent tous un peu ses parents, lui disent qu'il est spécial, et eux aussi, on le sent bien, ne sont pas tout à fait “normaux”. Une femme mystérieuse et très âgée, nommée Sulean Moï, arrive à pied au village et il apparaît rapidement qu'elle est venue à cause d'Isaac avec lequel elle noue une relation de confiance. Puis commence une pluie bizarre, faite de cendres manifestement en provenance de l'espace, qui contiennent des structures évoquant des machines ou des hybrides machine-animal.
D'un autre côté, il y a Lise Adams, venue à Port Magellan, ville principale d'Équatoria, pour retrouver son père disparu subitement quand elle était adolescente, ou du moins savoir ce qu'il est devenu. Pour ce faire, elle tente de rencontrer toutes les personnes qu'il a connues ou côtoyées.
Son ex-mari, Brian, travaille pour une agence gouvernementale qui s'occupe de traquer les Quatrièmes Âges. Il s'agit de ceux qui ont utilisé une technologie en provenance de la civilisation martienne (dont l'existence est expliquée dans Spin) pour modifier leur biologie et prolonger leur durée de vie de plusieurs décennies. Ce traitement est maintenant interdit sur Terre, au nom, entre autres, de la sauvegarde du patrimoine génétique humain, et les Quatrièmes Âges sont donc des parias qui doivent se cacher en permanence. Et l'agence en question s'intéresse tout particulièrement à Sulean Moï.
Lise avait déjà tenté d'atteindre un lieu à la lisière du désert (où se sont installés des forages pétroliers) pour essayer de rencontrer un certain docteur Dvali, ancien collègue de son père, mais une tempête avait obligé l'avion à atterrir avant d'arriver. Elle s'était donc trouvée isolée avec le pilote, Turk Findley, pendant plusieurs jours, et ça s'était plutôt bien passé… Leur relation en était restée là mais quand elle apprend que Turk a transporté Sulean Moï, dont elle a une photo prise dans un groupe avec son père, elle reprend contact avec lui.
Le seul personnage de Spin qu'on retrouve, c'est Diane, maintenant très vieille mais physiquement tout à fait valide. Elle s'était établie sur Équatoria, dans un village de pêcheurs avec son mari Tyler Dupree (le narrateur de Spin) et Ibu Ina, tous deux médecins. Ils ont prodigué leurs soins à la population pendant des années et, depuis leur décès, il ne reste plus que Diane qui fait fonction d'infirmière grâce aux connaissances acquises au fil des ans.
Il y a donc, d'une part, Lise qui veut rencontrer Dvali et Sulean Moï, et Turk qui, à la suite d'ennuis financiers, est sur le point de perdre son avion, donc son gagne-pain, et d'une autre, Brian, toujours amoureux de Lise, qui est contraint par des sbires de son employeur à les suivre afin de mettre la main sur Sulean Moï. Diane se retrouve également embarquée dans l'affaire. Bien entendu, de multiples liens se tissent entre toutes ces personnes, et en particulier entre Lise et Turk. De leur côté, les gardiens de l'enfant Isaac — qui est en fait le sujet d'une expérience tentée par une faction un peu extrémiste des Quatrièmes Âges qui pensent avoir ainsi trouvé le moyen de communiquer avec les Hypothétiques — doivent abandonner leur village pour ne pas être découverts par les agents qui traquent Sulean Moï.
En même temps, des phénomènes météorologiques étranges se reproduisent, avec chute d'une cendre qu'on pense être le résidu des machines dont seraient constitués les Hypothétiques, réseau artificiel et auto-entretenu s'étendant entre les étoiles. Cette poussière, lorsqu'elle s'accumule, génère des artefacts baroques et transitoires, apparemment dotés d'une forme de vie inquiétante. Et Isaac, curieusement attiré vers un point particulier du désert où les manifestations anormales semblent se concentrer, réagit de façon violente et inexplicable lors de ces événements.
Ce roman très agréable est assez typique de l'œuvre de Wilson : mélange d'aventures, de relations humaines complexes et crédibles, et de manifestations mystérieuses, aussi grandioses qu'incompréhensibles, qui se déroulent en ne tenant aucun compte du devenir des insignifiantes fourmis que sont les Humains. On apprend tout de même quelques petites choses sur ce que seraient les Hypothétiques et sur ce qui pourrait les motiver, si ce mot a même un sens pour cet (ces ?) être(s). Mais la question de leur nature : sont-ils intelligents et surtout, sont-ils conscients et, si oui, s'agit-il d'un être unique ou de personnalités distinctes, revient sans cesse mais reste sans réponse.
Cette interrogation sur le lien entre intelligence et conscience rappelle un peu celle de Peter Watts dans Blindsight. Mais c'est bien le seul point commun entre les deux livres.
À la fin de la lecture de Spin, j'avais été frappée par le fait que la civilisation terrienne était présentée comme en passe de s'autodétruire, ou du moins de dévaster son lieu de vie, et que l'arrivée de l'arche avec un passage vers une nouvelle planète toute neuve allait tout simplement permettre aux Humains de saccager un deuxième monde. C'est bien ce schéma qui se poursuit dans Axis. Sur Équatoria, les colons mènent une vie de pionnier, plus libre, sans carcan administratif ou autoritaire, mais aussi plus dangereuse et précaire. Et les Hommes ne se gênent pas pour polluer, casser, piller et ramener des matières premières vers la Terre où, finalement, la vie continue pratiquement comme avant le Spin.
Au terme de ce deuxième volume, si les situations individuelles ont été à peu près démêlées, on ne voit pas poindre la moindre parcelle d'espoir pour une amélioration plus globale du comportement de l'être humain, et on ne sait rien d'une éventuelle solution à long terme des conséquences du Spin. Les Martiens sont pourtant présentés comme étant nettement plus attentifs à l'écologie — par la force des choses, il faut le dire : leur biosphère est très fragile —, et ayant apparemment réussi à établir — après des millénaires tout de même — une civilisation assez harmonieuse malgré leur héritage terrestre. Je constate néanmoins qu'on ne les a pas beaucoup vus jusqu'à présent, ces Martiens si avancés — un seul personnage dans Spin et un autre dans Axis. Peut-être dans le tome suivant, Vortex…
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