Ken MacLeod : Engine City (Engines of light – 3)
roman de Science-Fiction inédit en français, 2002
- par ailleurs :
Engine City est le troisième volume de la série Engines of light, après Cosmonaut Keep et Dark light. C'est véritablement un long roman en trois parties et il faut donc les lire à la suite et dans l'ordre. L'auteur propose quand même un prologue qui résume un peu les deux premiers volumes et apporte des informations plus claires sur la situation générale de cet univers.
Volkov, Cosmonaute originaire d'une russie uchronique du xxie siècle, s'intéresse surtout à la façon de fomenter des révolutions et d'instaurer des systèmes politiques à son goût partout où il passe. Le voilà sur Nova Terra, planète paisible dont l'évolution se fait en grande partie grâce aux marchands humains qui vivent sur les grands vaisseaux luminiques dont le navigateur est un kraken et l'équipage essentiellement des saurs, deux espèces intelligentes venues au départ de notre Terre.
D'autres humains ont aussi réussi à construire des vaisseaux qui voyagent à la vitesse de la lumière ce qui leur permet de créer leurs propres circuits commerciaux et leur propre culture interstellaire, nommée d'après leur premier vaisseau, le Bright star. Les règles à respecter chez eux sont édictées dans un document remis aux nouveaux passagers. On y trouve une liste d'activités permises ou interdites, ainsi que l'énumération des “crimes odieux” passibles de la peine de mort. Parmi les choses autorisées on trouve « toutes formes de relations sexuelles entre personnes passé l'âge de la puberté » (la “personne” étant définie comme tout membre d'une espèce intelligente), mais aussi « l'écriture dans la marge des livres ». Parmi les choses interdites il y a le sacrifice humain mais aussi l'inflation… et le théicide.
Tout ça ne nous dit pas ce que veulent vraiment les “dieux”, en réalité des entités tout à fait naturelles qui vivent dans des astéroïdes et des comètes, et qui semblent être à l'origine de la présence de tout ce monde dans la Seconde Sphère, à l'autre bout de la galaxie par rapport à la Terre. D'après ce qu'ils disent, il y a une guerre en vue, contre des êtres venus d'ailleurs, et les “dieux” entendent utiliser la Seconde Sphère pour les contrer. Matt Cairns, ancien collègue de Volkov, est allé rencontrer cette autre espèce mystérieuse, d'origine non terrienne et dont l'aspect évoque des araignées ; elle semble, contrairement à ce qu'ils attendaient, tout à fait paisible et coopérative. Et elle apporte son lot de surprises.
L'intrigue est fortement liée aux effets relativistes du voyage luminique. Aller dans un système qui se trouve à cinquante années-lumière ne prend qu'une seconde subjective, mais cinquante ans s'écoulent tant sur la planète de départ que sur celle d'arrivée, ce qui complique singulièrement les interactions entre personnes. Heureusement, certains des protagonistes ont de très longues vies, et les autres ne vieillissent évidemment pas pendant les voyages…
Volkov réussit ses projets politiques, dont un objectif est de contrer l'attaque attendue des extraterrestres mais aussi de prévoir une défense en cas d'action hostile de la part des dieux, et lorsque Matt Cairns et ses copains arrivent dans les environs, au moins un siècle plus tard, ils trouvent du changement. Alors qu'ils sont encore loin dans l'espace, ils reçoivent une émission qu'ils réussissent à déchiffrer. Pour Matt Cairns, qui reconnaît instantanément l'image et ce qu'elle représente, c'est « la chose la plus obscène et dégoûtante que j'ai vue depuis des siècles ». Il s'agit d'une carte du monde artificiellement découpée en fragments avec « des petits rectangles — des insignes honteux — des drapeaux ». Ils ont acquis du nationalisme ! Pour lui, il aurait mieux valu pour les gens de Nova Terra attraper une forme virulente de la peste bubonique.
C'est dire que ce troisième volume est tout aussi politique que les deux premiers, mais maintenant que l'ensemble est moins confus, je trouve ça plutôt jubilatoire.
La deuxième partie du livre se passe sur cette “Nouvelle Terre” maintenant découpée en nations aux relations complexes et crédibles — ce qui n'est pas toujours le cas dans les space operas — et aux personnages variés et intéressants. À certains moments, je ne savais pas avec qui tenir, tellement les interactions entre les gens étaient parfois compliquées et les situations pleines de nuances. Entre l'alliance avec les étranges araignées au risque de perdre son humanité et la tentative — peut-être vaine — du maintien envers et contre tout de l'indépendance de l'espèce humaine, le choix n'est pas évident.
Finalement, je suis fort satisfaite d'avoir lu cette série. Ce sont trois volumes relativement courts qui me donnent l'impression d'être resserrés au maximum. Ils auraient aisément pu être rallongés — certains diraient “délayés” — de moitié. En l'état, il n'y a pas un gramme de gras. C'est du space opera intelligent et original, pas toujours facile, mais qui vaut l'effort.
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