Philip K. Dick : Flow my tears, the policeman said
roman de Science-Fiction, 1974
traduction française en 1975 : le Prisme du néant, puis en 1985 : Coulez mes larmes, dit le policier
- par ailleurs :
Je sors de Flow my tears, the policeman said, paru en 1974… Eh oui, je n'avais pas lu ce roman de Philip K. Dick jusqu'à maintenant. D'ailleurs, je m'aperçois avec surprise que je n'ai lu que deux ou trois de ses romans. Beaucoup plus de ses nouvelles, ayant entamé il y a quelques années l'intégrale parue en cinq volumes en 1987, et reprise dans un découpage différent par Denoël. Sans l'avoir encore terminée, il faut bien le dire.
Et je constate, en parcourant l'internet pour voir ce qu'on en dit, que Flow my tears serait un de ses meilleurs romans, un des rares qui ait eu un prix (John W. Campbell Memorial Award). Il avait aussi été présélectionné pour le prix Hugo et pour le Nebula. Donc, rien d'étonnant à ce que je l'ai trouvé très bien… très Dickien, même.
J'hésite un peu à en parler ici car, comme pour tout ce que Dick a écrit, il existe déjà des montagnes de critiques, analyses et exégèses diverses auxquelles je n'apporterai rien. Mais comme j'écris ici surtout pour moi-même — et les quelques personnes qui me lisent — et pour garder un souvenir de l'impression première que m'a faite un texte, je le fais quand même.
D'abord, pendant une bonne moitié du livre, tout en trouvant du plaisir à la lecture, je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. J'avais surtout l'impression de lire la description clinique d'une psychose, puis une histoire de drogué, ce qui peut être intéressant mais n'est pas ce que je recherche pour mes loisirs.
J'ai aussi été un peu dérangée par l'aspect anachronique d'un texte dont la publication date de 1974 et qui décrit une société future avec forcément, surtout au niveau de l'informatique et de l'électronique, un hiatus inévitable. Les voitures sont volantes, certes, mais quand le héros veut téléphoner à partir d'un véhicule, il trouve le fil du combiné tout entortillé… Et quand la police fait une recherche dans une base de données, ce sont des machines, des ordinateurs, qui opèrent mais qui doivent faire une photocopie du document demandé pour l'envoyer. Ce n'est pas grand-chose mais je ne peux m'empêcher de le voir. Bizarrement, je n'ai pas la même impression pour des textes nettement plus vieux…
Heureusement, il y avait autre chose à la clef : un très habile enchevêtrement du passé, du présent, de l'avenir, une confrontation de destins subis, une rencontre avec des personnages mémorables. Le mélange de la réalité et du rêve, le questionnement sur l'identité. Les personnages, jamais ni tout bons ni tout mauvais, sont en fait des pauvres malheureux qui errent dans le noir et qui ne savent pas trop ce qu'ils font, ni pourquoi. Presque des enfants. On ne peut qu'éprouver pour eux un peu de tendresse, malgré tous leurs défauts, malgré — ou peut-être plutôt à cause de — leur profonde humanité. Finalement, j'ai surtout vu une exploration de la condition humaine avec une clairvoyance frappante. Les dialogues, les digressions, les interrogations du narrateur, Jason Taverner, m'ont paru tellement vraies, tellement nues, que je ne peux qu'y voir l'auteur lui-même qui n'a pas eu peur d'y mettre ses propres tripes. Je m'arrête là. D'autres en ont bien mieux parlé que moi. Par exemple Philippe Curval dans sa Petite chronique de nuit en 1975.
Commentaires
À propos du “hiatus inévitable”, il faut dire qu'un auteur de SF — ou d'anticipation, comme on disait à l'époque — prend toujours un risque sur la crédibilité dans le futur des appareils électroniques qu'il imagine.
Lorsque le livre est paru en 1974,
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