Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Jack McDevitt : Thunderbird

roman de Science-Fiction inédit en français, 2015

Ellen Herzfeld, billet du 23 janvier 2016

par ailleurs :
 

Donc, comme prévu dans mon précédent billet sur Ancient shores, je passe immédiatement à la suite, Thunderbird, qui vient d'être publiée (en anglais).

Le prologue nous présente Jeri Tully, une petite fille handicapée mentale qui vit à Fort Moxie. Après qu'elle s'est perdue dans le paysage enneigé, elle est secourue par un passant qui est attiré jusqu'à l'endroit où elle est tombée par une sorte de tourbillon de vent bizarre.

Ensuite, on rencontre Brad Hollister, qui anime une émission radio locale où les gens téléphonent pour poser des questions à l'invité du jour. Il connaît April, la chimiste qui est une des responsables de la gestion de la Rotonde, en fait une Porte vers d'autres mondes. Brad n'a aucun désir de participer à ces explorations, et sa femme n'a pas plus envie de le voir partir vers des lieux possiblement dangereux, mais il sait que ça ferait monter la cote de son émission et que son patron serait content. Une bonne partie du roman consiste à suivre les aventures de Brad, ainsi que ses états d'âme contradictoires, tandis qu'il se trouve mêlé de façon de plus en plus importante à ces explorations, plus ou moins contre sa volonté. Pendant ce temps, Walker, le chef de la tribu indienne qui possède les terres où se situe la Rotonde, est en contact fréquent avec le président des États-Unis. Son seul désir est de faire ce qui sera le plus favorable à son peuple sur le long terme, alors que le président, soumis à de multiples pressions politiques dans tous les sens, serait très content que la Porte disparaisse complètement et qu'il n'en entende plus parler.

La première planète visitée ressemble beaucoup à la Terre avant les dégâts causés par les Humains, d'où le nom qui lui est donné par les explorateurs : Eden. Elle est habitée par des indigènes dont l'aspect rappelle celui des gorilles mais qui sont manifestement aussi intelligents que les Hommes. Ils parlent, ils ont des maisons et des livres, et en plus ils sont accueillants. Une linguiste passe du temps avec un couple, Solya et Morkim, pour apprendre leur langage, tant parlé qu'écrit, et un lien d'amitié se forme entre eux.

Les voyageurs intrépides, tous plutôt sympathiques, ne se limitent pas à explorer Eden mais essaient d'autres destinations où ils font des découvertes souvent surprenantes, parfois inquiétantes. Là où j'ai eu un sérieux problème, c'est au niveau de certains des extraterrestres, vraiment trop humains, trop familiers, que ce soit ceux d'Eden, plutôt primitifs, ou ceux de la planète qu'ils surnomment “Riverwalk”, à la technologie manifestement très avancée mais qui, eux aussi, ressemblent, du moins de loin, à des Humains de petite taille qui se comportent, toujours vus de loin, exactement comme nous. Ils ne semblent pas plus étranges que certains individus qu'on trouve déjà ici sur Terre, aujourd'hui. Même leur langage est facilement appris par la linguiste : les structures grammaticales sont similaires aux langues terriennes et l'écrit est alphabétique de sorte que c'est, pour elle, apparemment assez simple à appréhender. Et aussi, j'ai été gênée, comme dans le premier tome, par le fait qu'une telle découverte reste entre les mains d'une tribu sioux, que les autorités, nationales et internationales ne s'en mêlent pas plus que ça. Ces bémols m'ont dérangée pendant une bonne partie de la lecture.

Il faut dire que cette absence d'étrangeté est fréquente dans les romans de McDevitt et j'en ai souvent parlé dans les billets consacrés à ses autres textes, en particulier dans la deuxième note de celui parlant de Firebird. Ici, ce n'est pas le lointain avenir qui est trop familier mais les autres planètes et certains des extraterrestres. Malgré cela, je prends plaisir à ses livres, mais celui-ci n'est pas parmi les meilleurs.

Je déconseille la lecture de la suite de ce billet aux personnes qui auraient envie de lire ce livre et qui ne veulent pas connaître trop d'éléments de l'histoire d'avance. Attention, donc, ci-dessous, c'est du pur divulgâcheur.(1)

Parmi les autres lieux visités par des scientifiques, souvent accompagnés par Brad, il y a une station spatiale qui est manifestement à l'extérieur d'une galaxie, peut-être la nôtre, peut-être pas, et une planète dévastée, totalement en ruine, où il fait une chaleur terrible et où il n'y a plus rien de vivant. Là, ils sont approchés par un avion dont le pilote ressemble, du moins pour ce qu'ils en ont vu, à un diable ! Pas bon pour les relations publiques, ça. Et encore moins quand ils se rendent compte que cette planète, c'est en fait la Terre, la nôtre mais dans un avenir très lointain. Donc, la Porte, ce n'est pas seulement pour voyager dans l'espace mais aussi dans le temps. Bigre. C'est cette découverte qui fait tout basculer.

Le chef, Walker, soumis à des pressions de toute part, décide finalement que ça suffit comme ça. Il a de multiples raisons de vouloir fermer et désactiver la Rotonde, ce qu'il fait effectivement, mais il y a un paragraphe ou deux dans une discussion près de la fin où il présente une motivation qui m'a convaincue et qui m'a bien plu. Il se rend compte que si ça continue, les peuples de l'autre côté subiront le sort des Indiens d'Amérique chez nous. Et que, peut-être bien, si les habitants de Riverwalk, qui sont possiblement les constructeurs de la Rotonde, ne viennent pas nous voir, c'est justement pour les mêmes raisons, à l'envers. C'est très exactement la Directive Première (Prime Directive) dans Star trek : ne pas interférer avec d'autres civilisations, surtout quand les niveaux technologiques sont très différents. Ils en avaient déjà fait bien trop sur Eden.

Enfin, n'oublions pas le tourbillon de vent, qui s'avère être un visiteur extraterrestre qui est passé dans l'autre sens. Les Humains le surnomment Louie… Il circule un peu partout dans la région, une présence éphémère mais vue régulièrement par de nombreuses personnes. Certains lui veulent du bien, d'autres moins. On aimerait quand même qu'il rentre chez lui, même s'il semble être à l'origine du sauvetage de plusieurs personnes, dont la petite Jeri. Sa présence déclenche des phénomènes étranges chez certains, comme s'il y avait, brièvement, entre ces Humains et l'être, une liaison télépathique, une communion d'esprit. Et plus particulièrement avec Jeri qui habituellement ne parle pas et semble avoir le niveau intellectuel d'une enfant de deux ans mais qui, de temps en temps, devient plus vive, dit quelques mots… et ce, uniquement quand le tourbillon est dans le coin.

Donc, au total, un roman plutôt agréable, distrayant, malgré les extraterrestres pas très science-fictifs, sauf un qui, lui, l'est tellement qu'il déborde — presque — vers la Fantasy. Comme je le dis plus haut, ce roman n'est pas parmi les meilleurs de l'auteur mais, s'il écrit une suite, je la lirai, ne serait-ce que pour en savoir plus sur le devenir de Louie.


  1. L'Office québécois de la langue française, toujours à la pointe pour la défense la langue, propose ce terme à la place du mot anglais spoiler. Par contre, Wikipédia estime qu'en fait on peut parfaitement utiliser spoiler, dont l'origine vient de l'ancien français espoillier, lui-même issu du latin spoliare signifiant ruiner,  piller.

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