Michael Flynn : the January dancer (Spiral Arm – 1)
roman de Science-Fiction inédit en français, 2008
- par ailleurs :
J'ai choisi de lire ce roman de Michael Flynn car une critique dans Locus le qualifiait de chef-d'œuvre. Une telle appréciation est à double tranchant car je partais avec de grandes espérances. Trop grandes sans doute.
Il s'agit d'un space opera baroque mais moderne qui se passe dans un avenir lointain où l'humanité a essaimé dans un des bras de la galaxie comportant beaucoup de systèmes solaires, et où les voyages supraluminiques sont possibles en passant par des voies “électriques”, des plis dans l'espace où, justement, la “vitesse de l'espace” a des qualités particulières permettant de voyager plus vite que la lumière sans enfreindre la règle édictée par le dieu Einstein (le dieu Newton est d'ailleurs aussi souvent cité et respecté dans les domaines qui le concernent…). Deux puissances se partagent le pouvoir sur les planètes habitées, une de chaque côté du Rift, une zone vide où il n'y a que peu de voies de passage. D'un côté la Confédération des Mondes du Centre, où se trouve malheureusement la vieille Terre, que certains voudraient “libérer”, de l'autre la Ligue de la Périphérie, mosaïque de planètes ou de groupes de planètes plus ou moins indépendantes mais unies par le commerce, lui-même en grande partie entre les mains de l'ICC (Interstellar Cargo Company). Il s'y trouve aussi des mondes aux mœurs barbares qui n'ont d'autre but que de détruire et de piller, pratiquement pour le sport. Et des royaumes divers, avec leurs agents et leurs espions. Chaque côté constate que certains de leurs vaisseaux qui traversent le Rift ne reviennent pas et, bien entendu, chacun pense que c'est la faute de l'autre.
L'histoire commence lorsque le vaisseau marchand indépendant du capitaine Amos January tombe en panne et s'échoue sur un monde hors des sentiers battus. En essayant de réparer les dégâts, l'équipe découvre une salle contenant divers artefacts pré-humains, tous plus mystérieux les uns que les autres. Le seul qui peut être déplacé est un bloc de grès allongé de la taille d'un avant-bras, qui semble, bizarrement, changer de forme mais tellement lentement que l'œil ne peut voir de mouvement. Simplement, au bout d'un certain temps, il devient évident qu'il n'est plus comme il était avant. Il danse, en quelque sorte, mais à un rythme très très ralenti. January emporte ce bout de cailloux et se dit qu'il pourra sans doute le vendre à un collectionneur ou à un autre. De fait, il le vend rapidement à une colonelle Jumdar qui travaille pour l'ICC et qui s'est retrouvée malgré elle à gouverner une planète ravagée par une guerre civile.
Puis des pirates attaquent la planète et volent le Danseur, sont eux-mêmes victimes d'une attaque… de sorte que, rapidement, on ne sait plus trop où il est passé. En tout cas, plusieurs personnes de qualités et d'horizons très différents se mettent en tête de retrouver l'objet qui, selon une très vieille légende terrienne, donnerait à celui qui le tient en main le pouvoir de se faire obéir sans discussion par quiconque entend sa voix.
Ainsi, on rencontre une série de personnages pittoresques et parfois attachants, et on suit leurs aventures à travers une société complexe et colorée. À partir d'un certain moment, les divers fils se rejoignent et quatre d'entre eux se retrouvent à former une petite bande bien décidée à récupérer le Danseur sans qu'ils se soient vraiment mis d'accord sur qui le gardera à la fin…
Un des personnages principaux, et de loin le plus intéressant à mes yeux, se fait appeler le Fudir. C'est apparemment, du moins quand on le rencontre au début, un petit gangster dans un quartier malfamé de la planète Jehovah, qui se trouve être un nœud de communication central. Il se révèle avoir de multiples talents, des contacts un peu partout, et des buts qui ne sont pas très clairs. Du début à la fin, il ne cesse de se transformer et de n'être pas celui qu'on croit.
On découvre aussi un groupe un peu spécial, de type militaire, au service d'une des puissances qui font partie de la Ligue. Les “gradés” sont les “hounds” (terme qui se traduit en général par “chien de chasse” alors qu'il s'agit en fait de la sous-catégorie des “chiens courants”). Ils ont un entraînement spécial et des dons tout particuliers qui font qu'ils sont craints et respectés partout où ils passent. Les aspirants sont des “pups”, des “chiots” et leur vocabulaire interne ainsi que la nature des relations interpersonnelles sont très “canins”.
Le roman est découpé en chapitres où l'histoire elle-même alterne avec des épisodes le plus souvent dans un bar où une harpiste discute avec un vieil homme balafré. La harpiste demande à l'homme de raconter l'histoire du Danseur ; ainsi environ un chapitre sur deux constituent en fait son récit. Elle a ses raisons de vouloir la connaître et veut aussi en faire un chant. On ne saura jamais le nom ni de l'un ni de l'autre, mais une lecture attentive permet de deviner — peut-être — leur identité.
Cette lecture attentive s'impose d'ailleurs pour comprendre les méandres de l'intrigue parfois complexe mais aussi pour comprendre tout court, car le langage utilisé, tant par le narrateur que par les personnages, est parfois un pidgin bizarre qui semble mélanger je ne sais quel dialecte irlandais avec des termes de langues diverses, certaines que j'ai reconnues, d'autres non. De plus, entre les espions et les fausses identités, il faut garder en tête plusieurs noms pour certains personnages, ce qui n'est pas toujours facile (du moins pour moi). Malgré ces difficultés supplémentaires, il est indéniable que ce langage spécial est un des aspects intéressants du roman et lui donne une saveur particulière. Bon courage au traducteur éventuel…
Finalement, ce livre m'a beaucoup rappelé quelques-uns des premiers romans d'Iain M. Banks, en moins drôle, tant par l'utilisation permanente d'une langue à moitié inventée (inspirée, chez Banks de l'écossais, ici de l'irlandais) que par le rythme général et les personnages hauts en couleur.
Je ne le qualifierai pas de “chef-d'œuvre”, mais c'est un livre agréable et intéressant, d'une qualité littéraire certaine. Il lui manque peut-être un je-ne-sais-quoi de “souffle”. Et aussi, à vouloir associer une intrigue compliquée, des personnages complexes, un univers très riche, l'auteur a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre. Ou plutôt, c'est moi qui suis restée sur ma faim. Bien que ce soit rafraîchissant de trouver un roman qui a de la substance et qui ne soit pas un pavé gigantesque (il ne fait que 350 pages), il y a trop de choses non développées, non dites, ou du moins dont on ne connaît pas le devenir pour que j'aie pu refermer le livre avec un véritable sentiment de satisfaction final.
Commentaires
Je partage ton avis d'un bout à l'autre, sauf peut-être que je l'ai trouvé plus abstrus que toi et que j'ai eu beaucoup de mal à tenir jusqu'au bout. C'est pourquoi, sans négliger les difficultés de traduction dues au sabir, je ne l'ai pas retenu en regrettant que Flynn n'ait pas retrouvé à mon avis l'originalité et le ton d'Effelheim.
Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.