TEXTE MANQUANT À L'ÉDITION D'OCTOBRE 2014 EN "DYSCHRONIQUES" AU PASSAGER CLANDESTIN, P. 60
Traduction de Bruno MARTIN
[…] qui ne se sont pas montrés.
— Mais voyons, c'est ridicule. Nous nous sommes manifestés au moins en partie. Après tout, nos bagages sont déjà à bord de la fusée d'aujourd'hui. Pourquoi expédier tous ces bagages et non les gens à qui ils appartiennent ?
— Désolé, madame, mais je suis certain que les gens qui ont pris vos places en feront un excellent usage.
— Non, sûrement pas ! Juliette se mit à pleurer et la moitié de ses larmes au moins étaient sincères. Non. Ce ne sont presque que des souvenirs. Des choses qui n'ont de valeur que pour nous.
L'agent avait déjà dû souvent nager à travers des flots de larmes. Navré, madame, mais le règlement ne nous permet pas de distribuer un second jeu de billets.
— Oh ! au Diable votre règlement ! Écoutez, mon… mari est à la tête d'un de ces groupes de dix personnes. Il est chef de cadre.
— Ils sont des centaines, madame. Il ne nous est pas permis de les traiter différemment des autres.
— Mais ce n'est pas un chef de cadre ordinaire. Le Secrétaire de Tohil Vaca tenait particulièrement à ce qu'il parte. Le Secrétaire le lui a dit en personne.
— Je suis désolé, madame, mais n'importe qui dont je ne vois pas le visage peut me dire la même chose au téléphone. En bruit de fond, des gens lui criaient de répondre sur une autre ligne.
— Si j'étais n'importe qui, comment pourrais-je connaître le code du projet ?
— Il y a des fuites, madame… Si vous voulez bien m'excuser…
— Un instant ! lança Juliette, au désespoir. Pourquoi n'importe qui réclamerait-il des billets précisément à ces noms ? Vous devez bien avoir une liste des noms ?
— Oui, madame, mais seulement pour le vol d'aujourd'hui. Nous ne pouvons pas accorder une deuxième chance.
— Si vous appeliez le Secrétaire… Et là, en plein milieu de sa phrase — qu'elle ne savait d'ailleurs pas comment finir — elle se rappela que le numéro d'Alex était différent du numéro de code du projet secret. Elle déclara : Mon mari a le numéro de priorité FHGR-1.
Il y eut un long silence pendant lequel elle ne perçut qu'un vague brouhaha. Elle priait le ciel que l'agent fût en train de vérifier ce numéro.
Il revint enfin. J'ai confirmation de cette priorité, madame. En conséquence, je vous réserve deux places pour le vol de demain.
— Oh !‥ Dieu merci ! Et merci à vous aussi.
— N'oubliez pas que c'est votre dernière chance, madame. La chance ultime. Vous avez bien compris ?
— Oui, j'ai compris, fit-elle, éperdue de reconnaissance. Elle éprouvait un tel soulagement qu'au lieu d'abaisser le levier de coupure, elle posa la main sur celui de la douche et fut aussitôt inondée d'eau salée. Elle n'y prit pas garde.
Sa panique la quittait, mais elle était encore inquiète. Après tout, il y avait peut-être eu un accident. Ils étaient peut-être tous morts, ou hospitalisés, à la veille même de l'exode. Oh ! Seigneur… Elle téléphone à la Barquette de poisson.
Et que le Diable les emporte, ils y étaient ! Ils y étaient tous !
Désormais en mesure de laisser libre cours à sa rage démentielle, elle dicta au propriétaire un message à leur transmettre, arbora son masque à gaz, ramassa les chats et sortit à grands pas pour faire signe à un taxi fluvial.
Ils étaient là, tous les huit, quand elle arriva (après avoir confié le panier de chats récalcitrants au supermarché de luxe voisin, sur la prière polie mais ferme du propriétaire du restaurant) …les huit qui avaient surnagé après qu'Alex eut joué au bon Dieu : trois hommes (Fan, Goldfarb Z et un homme qu'elle reconnut vaguement comme un ingénieur du bureau d'Alex) et cinq femmes (Gradus, Girlie, Y la femme de Goldfarb Z, Irène la femme de Polar Pons et la fille divorcée d'Emshredder, Évadné).
Après avoir observé […]