Keep Watching the Skies! nº 8, juillet 1994
Daniel Walther : l'Iris de Perse
recueil de Fantastique ~ chroniqué par Micky Papoz
→ Détail bibliographique dans la base de données exliibris.
Voici le second recueil de nouvelles dont je parle ce mois-ci, à croire, que de nouveau, la nouvelle a ses adeptes parmi les éditeurs. À croire que ces mêmes éditeurs aiment suffisamment leurs lecteurs pour leur livrer en recueil, ces textes courts, savoureux comme des assiettes des palettes fruitées de desserts. Daniel Walther nous offre ici cinq assez longues nouvelles teintées d'encre violette. Sueur végétale exsudée par des fleurs à demi sauvages qui poussent en touffes sur les talus. L'auteur les exprime jusqu'à ce que notre âme en reste tachée, marques indélébiles. L'ancien directeur littéraire des éditions Opta ne sait pas écrire que de la Science-Fiction, qu'on se le dise une bonne fois. On dirait même qu'il a une prédilection pour le Fantastique. Pourtant Daniel Walther a la plume aussi heureuse quand il écrit des poésies, des pamphlets ou compose un roman, puisque vingt-six de ses ouvrages sont déjà parus, sans compter cent vingt nouvelles. Déjà plusieurs textes de cette veine nous ont été offerts dans Territoires de l'inquiétude par Alain Dorémieux. Ici, l'auteur démoli à grands coups de plume les mythes de notre enfance ou plutôt l'utopie entretenue par celle de nos parents. Ici encore, les textes sont impressionnistes et "l'Iris de Perse"qui donne son titre à la nouvelle est le nom d'un bar de nuit. Un club privé où les musiciens « aux allures neurasthéniques tripotent leurs instruments ». L'auteur n'a pas la réputation de mâcher ses mots, ni de les raturer et c'est tant mieux. Son héros va se laisser fasciner par un tableau la Nymphe endormie, une femme à la poitrine plantureuse et une pucelle, vierge divine, danseuse aux voiles éthérés, Salomé, qui, je cite encore : « reléguait à l'hospice de vieux toutes les professionnelles du stupre ». Le décor est planté. Sensualité débridée. Nymphette grasse, Vénus et fouet purificateur paraissent sur scène dans une symphonie érotique et le verre d'alcool se brise entre les doigts du spectateur. La lune déverse sa froideur coupante comme une lame dans un caniveau où le spectateur indigne a roulé. Les nouvelles se succèdent sans rien céder de leur intérêt. Phrases courtes et sèches, emplies de poésie délicate et pourtant crue. Daniel Walther possède l'art des auteurs de haïkaï. L'essence même de la poésie. « Tu es venu, tu es Vénus, venus es… ». Un ciné-roman, "Autres exploits d'Errol Flynn", nous plonge à nouveau dans la sensualité chère à l'auteur. Dans le voyeurisme aussi. Misérable Errol contraint d'user d'un olisbos, faute d'avoir le sexe qui réponde à la brûlure qui lui fouaille les reins. Lamentable étoile qui revit chaque scène des films qui marquèrent sa carrière : Captain Blood, la Charge de la brigade légère, Gentleman Jim, Aventures en Birmanie, Robin des Bois, l'Aigle des mers et surtout Les Aventures de Don Juan de Maran, l'ignoble séducteur. Il m'est impossible de vous décortiquer chaque nouvelle de ce recueil. On ne déflore bien les roses qu'avec une lame de rasoir. L'ouvrage se termine par "Tropique éclate". Sang pour sang écarlate. Sang pour sein, sang pour sexe écorché par une lame d'acier. Vertige. L'expressionnisme est un art, celui des mots tranchants, longs couteaux des ténèbres d'acier. Un recueil à ne pas manquer car sang pour cent fantastique.