C'est sans doute un relatif succès des reprises du Dobermann par le même éditeur qui nous vaut cette heureuse réédition.

Imaginez une ville cernée par un mur — le Mur par excellence —, et des bandes de patineurs organisées selon divers rituels désireuses de repousser les limites de la ville, de franchir le Mur. Tout Gris et Blue vont constituer une armée unifiée, organiser la lutte et la conquête, s'emparer du Mur aux dépens des Néons qui le gardent. De l'autre côté, ils trouveront… Vous le savez déjà.

Comme toujours chez Houssin, la trame de l'histoire pessimiste qu'il raconte a plus ou moins d'importance… Ce qui compte, c'est le traitement littéraire qu'il lui impose. Vous avez bien lu : littéraire. Houssin écrit plus qu'il ne raconte et il le fait à l'économie. L'écriture coup de poing parfaitement maîtrisée. Houssin écrit des personnages vivants. C'est son style sans fioritures qui les fait vivre devant nous. C'est un peu comme si nous étions au cinéma et nous finissions par entrer — par accumulation de touches — dans la peau des personnages, par sentir comme eux combien le monde est noir et désespérant…

Sans doute Houssin a-t-il pour maître d'écriture un Céline ou/et un Simenon ? Tout son talent se mesure au fait que ses romans ne vieillissent pas. Il parvient à dire le noir de son époque, sans complaisance, sans sacrifier au vocabulaire à la mode ou en le détournant pour le rendre intemporel.⁽¹⁾

Un conseil : achetez Blue aujourd'hui, lisez-le et reprenez-le dans quatre ou cinq ans… Si vous l'avez lu en 1982, relisez-le… Cela n'a pas une ride… hélas !