Melissa Scott : Night Sky Mine
roman de Science-Fiction inédit en français, 1996
- par ailleurs :
Night Sky Mine est une compagnie minière, qui gère et — pratiquement — possède le système stellaire d'Audumla, dont les corps planétaires n'ont d'autre utilité que comme réserve de minerais. Les travailleurs, avec leurs divers statuts contractuels, occupent des habitats spatiaux ; et les Voyageurs de l'espace s'agglutinent toujours autour de ces derniers, pour fournir les services qui ne s'accommoderaient pas des règles strictes de la Compagnie ou de la Patrouille fédérale.
Comme, par exemple, ceux de ces sorciers du réseau informatique que l'on appelle les hypothecaries. Ista Kelly, une voyageuse, est encore trop jeune pour faire partie de ceux qui domptent les programmes sauvages pour les mettre au service des humains, mais elle est en cours d'apprentissage, et espère gagner un jour assez d'argent pour s'acheter une identité — elle avait été trouvée encore bébé sur une station minière désertée par celle qui assume maintenant le rôle de mère pour elle.
Pendant ce temps, sur la planète Bestla, Tarasov, un policier, est impliqué dans une enquête sur le mystère de ces vaisseaux miniers, justement, qui disparaissent régulièrement, victimes d'improbables pirates de l'espace. La mission qui lui est confiée va l'amener sur Audumla, en compagnie de Rangsey, son amant, qui occupe aujourd'hui des fonctions d'interprète, mais avait dans le passé appartenu à l'Union, l'ensemble des travailleurs câblés pour travailler en interface directe avec les machines. Le terme union signifie syndicat, mais évoque aussi l'idée d'un monopole sur certaines fonctions. Cela s'inscrit dans une organisation sociale en classes très rigides — des castes, presque.
Ces classes sont en bonne partie déterminées par leur rapport avec les machines ; fiers et susceptibles servants de la mécanique pour les gens des Unions, bricoleurs un peu pirates, un peu sorciers chez les Travellers. Plus intégrés dans les systèmes d'autorité, les employés des Compagnies et les patrouilleurs fédéraux ont une relation plus distante avec les machines.
Fort logiquement donc, même si l'ambiance reste celle d'un space opera, avec ses stations orbitales, ses vaisseaux, ses poursuites, la partie “réalité virtuelle” de ce roman est la clé de l'intrigue. Elle introduit l'idée intéressante d'une zoologie des logiciels. Les programmes ne se fabriquent pas ; ils s'élèvent en captivité — ou ils se capturent, avant d'être domestiqués. Et ce que nous appellerions aujourd'hui des virus (mais sur une échelle bien plus terrifiante) sont des animaux sauvages, prédateurs… ou démons, selon la terreur qu'ils peuvent inspirer.(1)
Melissa Scott continue donc à employer le mélange bien rodé de cyberpunk et de space opera qu'elle proposait dans Burning bright, par exemple.(2) Night Sky Mine n'est pas très original, mais très soigneusement construit ; et la solution de l'intrigue policière se tissera à la fois dans les complots au sein de la compagnie, les pièges de la faune cyberspatiale, et l'histoire personnelle d'Ista. Logique et satisfaisant.
En fin de compte, Night Sky Mine reste une histoire d'aventures, légère et correctement ficelée, mais pas aussi efficace et variée que Burning bright, et certainement pas aussi ambitieuse que Shadow man. L'homosexualité est une des marques de fabrique de Scott, renommée comme maîtresse de la SF gay, une des nouvelles sous-étiquettes de genre que notre époque fabrique. Elle est affichée dans la relation entre les deux hommes adultes qui mènent l'enquête, Rangsey et Tarasov ; elle est implicite, espérée et sans cesse remise à demain dans la relation entre les deux héroïnes adolescentes, Ista et Stinne. Dans les relations symétriques et entrecroisées entre ses paires de personnages, et tout leur arrière-plan social — autant Rangsey que Stinne, à divers niveaux, font usage de connexions familiales ou claniques qu'ils rejettent par ailleurs au niveau personnel ou affectif —, Melissa Scott montre son talent, sa maturité de conteuse. Et pour cela, elle ne m'a encore jamais déçu, même dans une œuvre modeste comme celle-ci.
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