Les politiques de marketing habillent les livres pour faire vendre, et pas toujours avec une vision du lecteur qui en trahirait une connaissance certaine. Ici, un bandeau rouge aux lettres blanches vous crie que le sujet est le clonage humain — sujet à la mode s'il en est. Or cette œuvre étrange me semble aller beaucoup plus loin que la simple interrogation.

Un jeune garçon recouvre la vue après greffe des yeux de son clone, élevé dans un lieu spécial et considéré comme un produit comme un autre. L'auteur imagine une société où le clonage des humains et la naissance sont parfaitement codifiés et légiférés, et nous propose de réfléchir côté clone et côté greffé. La question n'est plus : doit-on cloner ou non ? Elle devient : comment gérer le clonage ; les clones sont-ils un réservoir d'organes ou des êtres comme les autres ?

Avec une certaine finesse — voir la fin — et une assez bonne présentation de la société imaginée, l'auteur nous laisse le soin de décider entre le bonheur des clones parqués dans des “réserves” et menacés d'une maladie imaginaire et celui des “souches” qui se posent des questions sur leurs droits d'utiliser les clones. Les tenants des divers partis pro- ou anti-clones sont aussi entiers que leur position l'exige et représentent assez bien les prises de position qui s'énoncent aujourd'hui. Et si le héros de l'histoire choisit une position médiane fort astucieusement présentée à partir d'Homère, il reste au lecteur à décider.

Ce roman “ambitieux” est écrit/traduit sans la moindre concession au vocabulaire supposé d'un lecteur de onze ans,⁽¹⁾ et tire ce même lecteur vers une réflexion intelligente.