Laurent Genefort : Dans la gueule du dragon
roman de Science-Fiction, 1998
- par ailleurs :
Il ne cessera donc pas de nous étonner, de nous émerveiller, de nous fasciner ?
Eh bien, non.
Genefort est sans doute le plus authentique des enfants de Jules Verne prophétisés par Serge Lehman. Et Verne aurait sûrement été séduit par la colonie d'Ymir sur la planète encore en fusion de Muspellsheim, lui qui était si épris de volcans et autres lieux ignivomes. Le sens de la description de Genefort, qui s'exerce à plein dans le prologue, évoque — sans le moindrement imiter — ces pages minutieuses où Verne emportait ses lecteurs jusqu'aux confins de la planète. Et Verne encore aurait peut-être bien apprécié l'idée d'une colonie entière terrée dans un iceberg de roche flottant sur un océan de lave… Plus d'une fois, les héros de Verne s'étaient réfugiés dans des cavernes, après tout.(1)
Le héros du roman, Jarid Moray, est, quoique tracé à grands traits, un personnage moins démuni que certains protagonistes de Genefort, ceux-ci étant souvent promis à des épreuves en série et à des situations plus que pénibles qu'ils ne seront pas toujours en mesure de maîtriser. Cela n'empêche pas le récit — au rendez-vous, je l'admets — d'avoir à se frayer un chemin dans l'épaisseur d'une prose basaltique à la vitesse d'une coulée de lave essayant de contourner ou d'infiltrer des massifs rocheux. Dans un sens, cela convient à une histoire souterraine, dominée par des passions le plus souvent refoulées sous la surface, mais on peut regretter que l'action n'ait pas érupté avec un peu plus de vigueur.
En effet, en traitant certains moments forts du récit comme s'il s'agissait de décrire tel ou tel appareillage de survie sur — dans — Muspellsheim, Genefort ne rend pas tout à fait justice à une histoire qui aurait pu être particulièrement puissante et pertinente à l'heure de la guerre au Kosovo. Ainsi, quand Moray découvre une antenne pirate à la surface d'Ymir, c'est à peine s'il frémit. On se serait pourtant attendu à un dialogue incrédule avec l'I.A. le renseignant, une exclamation, une réaction ambiguë de sa guide…
Néanmoins, l'arbitrage politique de Moray dans une situation explosive n'est pas sans finesse. Et Genefort nous laisse sur une impression floue, et ô combien intéressante : qu'on ne s'est peut-être pas identifié au véritable héros de l'affaire… tout en ayant été au cœur de l'action.
Un livre à lire rien que pour le prologue, qui intègre à merveille le décor de Muspellsheim et l'action. Ou rien que pour la création d'Ymir, ce “glaçon” de roc dérivant sur des continents encore liquides… Cependant, l'évaluation globale doit être plus mitigée, car on aurait souhaité explorer plus longuement ce monde créé avec le souci genefortien du détail, tout en jouissant d'une intrigue véritablement capable de s'imposer en enfer !
- Le décor fera aussi songer, je suppose, aux installations souterraines des Vinéens dans les forges de Vulcain visitées par Yoko Tsuno…↑
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