Robert Baudry : Graal et littératures d'aujourd'hui
essai, 1998
- par ailleurs :
Connu dans le milieu universitaire pour ses travaux relatifs au monde arthurien, Robert Baudry traque, ici, un mythe inépuisable, sans cesse rénové depuis le Moyen Âge, qui disparaît ponctuellement pour réapparaître sous une forme nouvelle, parfois dénaturé ou perverti. L'ambition de cette tâche oblige fréquemment le président-fondateur du CERMEIL(1) à sortir du champ qu'il a pourtant délimité lui-même. Si l'ouvrage est sous-titré "les Échos de la légende du Graal dans la littérature française contemporaine", l'auteur s'autorise de nombreuses incursions dans le domaine des lettres étrangères, voire dans d'autres disciplines artistiques (musique, cinéma, peinture).
Prompt à relever tous les défis, Robert Baudry s'applique à débusquer les avatars masqués du mythe qui « manifestent à la fois la pérennité du thème et sa souplesse d'interprétation »
. Seulement voilà, dans son enthousiasme, l'auteur tend à pousser l'analogie un peu loin et oublie que tout objet de quête en littérature n'est pas une métaphore du Graal. Avec la meilleure volonté, on ne saurait considérer l'Étoile du sud de Jules Verne comme une transposition de cette légende, ni un Bébé pour Rosemary comme une simple « variation sur la naissance diabolique de Merlin »
!
Mais le plus grave reste sans doute le chapitre consacré à la Science-Fiction où Baudry, sous prétexte de corriger quelques erreurs, en induit d'autres. Jules Verne n'est pas le créateur de la SF, pas plus que ne le sont Cyrano de Bergerac ou Lucien de Samosate. Affirmer le contraire, à l'instar de l'auteur, revient à confondre un motif largement mis à profit par la Science-Fiction (le voyage sur la Lune) avec la Science-Fiction elle-même. Quelques pages plus loin, il entreprend de distinguer le Fantastique de la SF — intention a priori louable —, pour incorporer finalement cette dernière au Merveilleux ! Doit-on voir là un emprunt malheureux aux élucubrations de Todorov ? Une assimilation abusive à la fameuse notion de sense of wonder ? Le lecteur demeure perplexe. Et lorsque Baudry analyse la Science-Fiction comme une littérature gnostique véhiculant des thèses proches du soucoupisme et de l'illuminisme, on se dit que la coupe est pleine ! C'est dommage, car le reste de l'ouvrage suscite souvent l'admiration. Certains universitaires n'ont décidément pas fini de nous étonner !
- Centre d'Études et de Recherche sur le Merveilleux, l'Étrange et l'Insolite en Littérature.↑
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