Robin Cook : Invasion
(Invasion, 1997)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Publié chez Albin Michel en 1998 et en poche en 2000, ce thriller relève formellement de la Science-Fiction : il raconte une tentative d'invasion de la Terre par des extraterrestres, et vers la fin, il est fait allusion aux univers parallèles et aux trous de ver. Certes, on n'est pas dans l'image synthétique à mille francs la seconde (?) d'Independence Day. Plutôt côté téléfilms. Avec certes plus d'effets spéciaux que dans l'Inspecteur Derrick, puisqu'il arrive qu'on y ouvre des portes, et que bon nombre d'appareils audiovisuels explosent ou implosent au début de l'histoire, qu'un objet mal identifié perce la main d'un brave homme, le tuant par la même occasion, et torde tout ce qui était dans la pièce — avec du plastique chauffé, ça se fait très bien —, et enfin qu'un château explose, ou implose, avec vol plané de 4×4 sur fond de Sacre du printemps. On a vu parfois des feuilletons policiers demander plus de moyens. Côté téléfilm, il faut ajouter une tapée de personnages croisés, jeunes adultes sur qui le cœur de cible peut se projeter, étudiant — en médecine, dans ce cas —, enseignante stagiaire, élève d'icelle, etc. Plus un hypocondriaque. Et parmi eux un personnage amoureux transi de la copine de son meilleur ami, lequel va être la première victime de l'invasion.
S'il faut défendre le livre, on pourra dire que l'invasion est relativement originale. Ou plutôt qu'elle est dans l'air du temps, mais que l'idée de base est relativement mal exploitée. Peut-être parce qu'elle présente une faille logique. En effet, l'idée, en apparence, est que des engins fort petits, pourtant en apparence lisses, piquent qui les ramasse, injectant un virus — voilà l'air du temps, tel qu'il pointe son nez, même si c'est un exercice difficile pour un air. Lequel virus prend possession de ses victimes, après une forte mais brève pseudo-grippe. Modifie leur comportement. Les transforme en éléments d'un tout probablement monstrueux, en communion télépathique ou à peu près, avant, vers la fin, histoire sans doute de relancer le suspense, de modifier profondément leur aspect physique, le résultat cadrant de fait plutôt mal avec nos critères esthétiques. Histoire de rendre les choses moins simples, le produit injecté n'est pas vraiment le virus, mais est destiné à réveiller celui-ci, lequel existerait dans les ADN depuis l'aube non de l'Humanité mais de la vie sur Terre, les envahisseurs étant patients, ensemençant des milliers de mondes, et vérifiant tous les cent millions d'années s'il y a des hôtes potentiels à leur convenance, le fait que les dinosaures n'aient pas été considérés comme tels expliquant ainsi qu'ils en aient programmé la disparition — et hop, un grand mystère d'éclairci… Et, cerise sur le gâteau, les Humains modifiés commencent à construire une sorte de porte entre les mondes, préparant peut-être une tout autre invasion. Honnêtement, même si cela recalque des récits de guerre froide, on a vu des idées bien pires. Encore qu'on puisse se demander comment une séquence à l'affût dans l'ADN peut programmer à ce point des comportements — quitte d'ailleurs à entrer en conflit avec la personnalité antérieure, pas totalement éliminée — : il y a là beaucoup de matérialisme, et bien peu de libre arbitre, y compris pour les Humains réputés normaux (nous). Et ce, contrairement au discours explicite ou à l'idéologie implicite du livre.
Laquelle idéologie a sans doute ses bons côtés. Défense de la liberté individuelle, pour commencer. Et anti-eugénisme, on le verra. Mais à côté de ça, il faut parfois se pincer en se demandant si l'on n'est pas en train de rêver. Le premier effet de l'invasion est de transformer de bons petits yuppies soucieux de leur carrière en sorte de babas cool en pleine forme et passablement costauds, mais aussi franchement libidineux et par ailleurs capables de commettre des actes aussi moralement condamnables que sécher des cours de fac. Et qui tiennent des propos étranges sur les haines raciales, les révolutions, la surpopulation, la conservation des forêts, l'effet de serre, l'état de l'équipement industriel de la région des Grands Lacs ou de la Roumanie, sur une vie sans voiture, la pollution en général et tout ce que nous avons fait de mal à notre bonne vieille mère la Terre. Ou qui, quand ils sont parents d'élèves, encourageraient explicitement ou implicitement le petit ami de leur teenager de fille à rester à la maison pour la nuit. Bon. Soyons honnêtes, ils ne manifestent par ailleurs pas la moindre compassion pour les malades du cancer, les diabétiques, les hémophiles, etc., dont la mortalité connaît un pic dans le même temps où eux, les transformés, se multiplient, et ils tiennent des propos sur la compatibilité génétique qui empêchent radicalement de les trouver sympathiques. Mais ce n'est pas l'aspect le plus marqué. Ni celui qui semble poser le plus de problèmes. Bref, hippies, verts et assimilés pourraient être des envahisseurs camouflés. Et les discours sur la coopération ou la solidarité seraient le résultat d'un complot extraterrestre. Faisant le jeu de quelque chose de franchement horrible. Par ailleurs, alors que les mondes habités et les intelligences extraterrestres foisonnent, la Terre, l'Homme, le Libre Arbitre, les relations interpersonnelles émotives entre Humains, tout cela représente une exception, un miracle, un cas unique. De mauvais esprits diraient que ce sont là les preuves d'une destinée manifeste — mais le bouquin n'est pas totalement américanocentrique : il est précisé quelque part en particulier que les Français semblent présenter la plus forte résistance relative à l'avancée du virus, et s'il est avancé que ce doit être à cause du vin rouge, notre réputation d'égocentrisme bordéleux doit bien y être pour quelque chose. On peut ajouter que l'on s'en sort grâce à des équipements militaires datant de la guerre froide, et enfin utiles. Et grâce à un virus synthétique du rhume, pas très dangereux mais jamais diffusé et donc contre lequel personne n'est immunisé : la fin de la Guerre des mondes de Wells améliorée par la guerre bactériologique.
On aura compris que la référence à Independence Day n'est pas fortuite. Même s'il n'y a formellement pas grand-chose de commun entre ces “œuvres”. Disons qu'il y a cousinage. Ce n'est peut-être pas un compliment.
Commentaires
Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.