Jean-Michel Archaimbault : Perry Rhodan : lecture de textes
essai, 1999
- par ailleurs :
La saga de Perry Rhodan, inaugurée en 1961, constitue sans aucun doute un phénomène unique dans le domaine de la Science-Fiction. Forte d'environ deux mille romans publiés sous forme de fascicules, elle mérite donc, en dépit des sarcasmes du courant dominant, l'attention de l'amateur désireux d'appréhender les arcanes de la littérature populaire. L'immensité du sujet, propre à rebuter les critiques les plus gloutons, explique l'absence d'étude sérieuse en langue française et renforce l'intérêt de cette monographie synthétique.
Dans notre pays, où un dixième seulement des fascicules originaux ont été traduits — et encore de façon peu méthodique ! —, le public n'aperçoit que la face émergée d'un gigantesque iceberg dont Jean-Michel Archaimbault dévoile les contours. Chez nos voisins allemands, Perry Rhodan fait aujourd'hui l'objet d'une véritable industrie puisque, outre un spin off composé de huit cent cinquante volumes (Atlan), la série a engendré des BD, des romans-photos, des jouets, des tee-shirts, des albums musicaux, divers travaux d'illustration et toutes sortes d'objets destinés aux collectionneurs. Mais le véritable exploit de cette machinerie lourde réside dans l'élaboration collective des cycles qui nécessite — est-il besoin de le préciser ? — une organisation rigoureuse (planification, confrontations, affectations, rédaction, corrections…) que l'auteur détaille avec soin.
L'unique reproche que l'on pourrait adresser à Jean-Michel Archaimbault concerne la genèse de la saga. À la lecture de cet ouvrage, le néophyte serait tenté de croire que la Science-Fiction allemande d'après-guerre se résumait à quelques médiocres collections de fascicules telles que Sun Koh ou Jim Parkers Abenteuer im Weltraum — qui n'est d'ailleurs pas mentionnée. Que fait-on de Franz Werfel, Ernst Jünger, Walter Jens — pour ne citer qu'eux — et de l'arrivée des anglo-saxons (les “Weltraum-Bücher” publiés à partir de 1952 par les éditions Karl Rauch (Campbell, Asimov, Williamson…) ou l'éphémère Galaxis, version germanique du Galaxy américain, traduite dès 1958 par Lothar Heineke ? Un tableau plus étendu aurait permis de mieux situer Perry Rhodan dans un paysage encadré par les survivances nationalistes (rééditions de Hans Dominik chez les frères Weiss) et le pessimisme d'un Hans Wörner (Wir fanden Menschen, 1948). Ce raccourci, probablement imputable au manque de place, ne favorise guère la connaissance de la littérature conjecturale allemande par le lecteur francophone. Cela dit, l'étude de Jean-Michel Archaimbault s'analyse malgré tout comme un réel progrès qui permet à chacun d'embarquer en marche à bord du vaisseau rhodanien.
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