Pause et ponctuation
éditorial à KWS 37, juillet 2000
- par ailleurs :
le Sens ou les mots ?
Mon éditorial du numéro 36 n'a pas trop plu à un de mes lecteurs préférés, Jean-Claude Dunyach, ce qui m'attriste beaucoup parce que c'est un ami et un des hommes les plus doués que je connaisse. J'y défendais — entre autres choses — la nécessité d'une liberté de ton totale de la part de la critique, une liberté en particulier par rapport aux désirs des vendeurs du produit examiné. Ce qui ne veut pas dire que j'aime toutes les critiques qui se pondent, et que je sourie à toutes les démolitions. Oui, j'apprécie une certaine verdeur de ton ; oui, je pense qu'il est légitime de traiter comme un objet littéraire le personnage que des auteurs — ou leurs éditeurs — peuvent faire d'eux-mêmes — mais je n'apprécie pas plus que quiconque la diffamation, les attaques ad hominem ou les chroniques dont le contenu est dicté par des considérations sans rapport avec les qualités intrinsèques des œuvres en question.
Au chapitre des choses insignifiantes mais bruyantes, une addition récente, la préface à l'anthologie Privés de futur, présentée par Gilles Dumay et Francis Mizio, qui proclame à grand renfort d'obscénités le droit des anthologistes à juger de l'inclusion de leurs propres textes. Gilles Dumay, éditeur toujours intéressant, s'ingénie à conserver sa place au nadir des préfaciers.
On dit les Toulousains coutumiers d'une ponctuation particulièrement riche en syllabes, point se disant putaing et virgule, cong. Le point-virgule était d'un usage très fréquent en toulousain du milieu du xxe siècle. Sans être toulousain d'origine, j'avoue employer moi-même un langage fort peu châtié, et ne guère réagir à des choix de vocabulaire qui choquent d'autres oreilles.
C'est le fond qu'il faut entreprendre de réfuter dans le texte de nos duettistes. Ils ont la grâce, au détour d'une pirouette, de ne pas se faire les apologues de leur propre talent littéraire — mais ne sont pas gênés de se comparer implicitement à Harlan Ellison et Robert Silverberg, qui ont publié de leurs propres nouvelles dans des anthologies qu'ils ont dirigées. Encore Ellison et Silverberg ne travaillaient-ils pas pour des maisons d'édition qu'ils avaient créées, et étaient toujours en relation avec des directeurs littéraires professionnels, dont on connaît l'importance dans l'édition américaine. La déontologie ne doit pas être confondue avec la morale : c'est seulement un ensemble de règles indicatives qui visent à permettre l'exercice d'une profession dans des conditions protégées des faiblesses humaines. Un jour, sans doute, chacun vient à en comprendre la nécessité.
Par exemple, vous avez sûrement remarqué que depuis que j'en assure la coordination, KWS publie des articles de Pascal J. Thomas qui sont bien moins bons — et, d'ailleurs, moins nombreux — que ceux qui étaient à l'époque soumis au crayon rouge de Sylvie Denis et Francis Valéry. Mais la glose critique est infiniment plus aisée à produire et à évaluer que l'œuvre littéraire, donc le mal est moindre… même si le remède serait que l'on trouve un nouveau rédacteur en chef à KWS. Envoyez vos CV.
Voyage
Entre-temps, vous goûterez aux mérites de l'absence : le prochain KWS ne paraîtra pas avant le début de l'année 2001. En effet, je m'en vais pour six mois aux États-Unis, et je n'ai pas l'intention d'y publier KWS. Réabonnez-vous quand même…
Courrier des lecteurs
Comme de temps en temps il faut bien se faire plaisir, voici une lettre de lecteur (authentique !) comme même Pravda n'en fait plus :
« Encore bravo et ne changez rien à la formule.
J'apprécie particulièrement lorsqu'un ouvrage est chroniqué par deux personnes différentes ; c'est très intéressant. La lisibilité me convient parfaitement. Inutile d'y ajouter couleurs, papiers glacés, typographie sophistiquée utilisant toutes les nuances du gris d'une PAO performante mais souvent illisible le soir au fond des bois (si ! ça m'arrive !), ainsi qu'une mise en page et une maquette fort à la mode […] qui oblige à lire en “hypertexte” un support qui n'est pas destiné à cela ; laissons à l'ordinateur ce qui appartient à l'ordinateur. »
—Alain Coveliers, Châtenay-Malabry
Commentaires
Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.