Laurent Genefort : les Engloutis
roman de Science-Fiction, 1999
- par ailleurs :
C'est sans doute le dernier roman de la collection "SF" du Fleuve noir dont je parlerai ici. L'héritière de la défunte collection "Anticipation" a elle-même fait son temps et va faire peau neuve.
Personnellement, j'ai poussé un soupir d'aise en abordant la prose carrée, à l'occasion musclée, de Laurent Genefort. D'ailleurs, un auteur qui ne craint pas d'utiliser le mot biolixiviation dès la troisième page a droit à toute mon admiration. Surtout quand il comprend de quoi il parle !
Dans les Engloutis, le lecteur suit les aventures de Ruben, un ingénieur qui a commis l'erreur de se trouver dans le même train qu'un terroriste emprisonné. Jusqu'alors, Ruben a toujours été du côté de l'Eudox, une grande compagnie multimondiale qui a entrepris la terraformation de la planète Hanouri pour faciliter l'exploitation de ses ressources. Cependant, lorsqu'il intervient en faveur d'Aram FedRiken à un moment crucial, Ruben bascule du côté de la dissidence, des rebelles qui s'opposent à la terraformation menée tambour battant.
Ruben entame alors un grand périple de découverte des microsociétés qui échappent à l'emprise de l'Eudox et poursuivent des buts divers. Aram, maintenant libre, cherche à réaliser une difficile unanimité dans la poursuite d'un plan qu'il refuse de divulguer avant la toute dernière minute.
Le roman souffre de son allure accélérée, ramassant beaucoup de décors et d'idées en trop peu de pages afin de respecter les contraintes de publication du Fleuve noir. Les lieux et les sociétés se succèdent si vite que Genefort n'a pas vraiment le temps de les approfondir. Des scènes cruciales sont souvent abrégées par une révélation, une péripétie ou tout autre moyen (une étreinte amoureuse, par exemple) de couper court à une conversation sur le point de devenir intéressante. Je ne crois pas que ce soit la mentalité du vidéoclip ; comme certains d'entre nous en SFF, il me semble que Laurent Genefort succombe un peu trop volontiers à la tendance plus ou moins zen de vouloir résumer un moment de compréhension soudaine, un satori par une phrase lapidaire ou frappante. (Cela se trouve aussi en littgen, mais je parierais sur une lointaine influence de Frank Herbert dans Dune, entre autres.) Peut-être faudrait-il avoir le courage de laisser le lecteur saisir ou ne pas saisir, sans lui mâcher le travail, en prolongeant au besoin la description.
Toutefois, cette narration trop pressée cache quand même une dimension morale. Ruben est un de ces personnages genefortiens un peu naïfs qui conviennent parfaitement à la découverte d'un monde dans la mesure où ils abordent avec fraîcheur chaque situation. Mais Ruben n'est pas qu'un faire-valoir des descriptions du monde minutieusement — et amoureusement ! — mis en place par l'auteur. Il est aussi un témoin qui est amené à se prononcer sur le plan d'Aram FedRiken. Cette dimension du personnage comme juge n'est malheureusement qu'esquissée, faute de place.
Mais c'est elle qui donne à la conclusion du roman une certaine grandeur.
Ce n'est donc pas le meilleur roman de Genefort. Les Engloutis se laisse lire plus allégrement que Dans la gueule du dragon, mais il est moins ambitieux à plusieurs égards. Certaines réminiscences herbertiennes sont peut-être un peu trop visibles — quelques pages après une balade dans un Ver fouisseur (un engin supertechnologique capable de forer le roc), les héros de Genefort grimpent à bord d'un landtanker gigantesque en train de ramper à vive allure sur des chenillettes géantes. Le rapprochement des deux rappelle nettement la balade de Paul Atreides et de ses compagnons à bord d'un ver des sables d'Arrakis… Reste que les amateurs de Genefort sensibles à ses forces (inventivité, soin des descriptions, sens du rebondissement) ne devraient pas être trop déçus par un roman un peu en deçà de ce à quoi il nous avait habitués.
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