Thomas Day : les Cinq derniers contrats de Dæmone Eraser
court roman de Science-Fiction, 2001
- par ailleurs :
Les récits de Thomas Day ont l'habitude de déranger par leur âpreté, leur hyper-violence et leur ambiance de fin du monde. À première vue, les Cinq derniers contrats de Dæmone Eraser s'inscrit pleinement dans ce genre d'univers. On y retrouve un héros, Dæmone Eraser, qui fait profession de tuer dans les arènes d'un jeu qui attire des milliards de spectateurs. On y découvre une puissance supérieure, Lhargo l'Alèphe, qui offre à Dæmone le moyen de réaliser son rêve en échange de cinq morts supplémentaires. Bref, il semble que tous les éléments soient réunis pour lire un récit classique de Thomas Day. On a même droit à quelques clins d'œil au multivers qu'il est en train de créer, à commencer par une référence à Johnny Israel, le personnage principal de sa nouvelle "Je suis l'Ennemi".(1)
Pourtant, ce court roman n'a pas le même goût que les autres textes de Thomas Day. Alors que la plupart de ses héros n'ont plus aucun espoir, Dæmone Eraser ne vit que dans l'espérance de retrouver celle qu'il a aimée et qu'il aime toujours, Susan. Il est prêt à tout pour la retrouver, et tuer cinq personnes ne lui semble qu'une formalité, surtout lorsqu'il apprend qu'ils ont tous quelque chose à se reprocher. On ne peut pas dire que Thomas Day déçoive lorsqu'il fait preuve d'un certain optimisme, mais il est beaucoup moins convaincant.
Les Cinq derniers contrats de Dæmone Eraser ne manque pas de bonnes idées, mais elles ne sont pas pleinement exploitées. Ainsi apprend-on très tôt que Dæmone Eraser n'est que la copie informatique de David Rosenberg dans un corps de synthèse, ce qui conduit le héros à s'interroger, brièvement, sur son identité. De même, l'intéressante rivalité entre Kimoko, pleine de vie même si elle est une Überkriegerisch de récup, et Susan, plongée dans le coma mais tellement humaine, n'effleure qu'à peine l'esprit d'un Dæmone bien trop préoccupé par ses cinq derniers contrats. En matière de décors, New Edo, Meadow, Vérine, Valis sont des lieux que l'on découvre comme un simple visiteur de passage et qui mériteraient certainement une exploration plus en profondeur. Quant au concept des seuils de la S.I.T.I., il aurait certainement mérité plus d'explications, tout comme la situation géopolitique de New Edo aurait gagné à être mieux explicitée.
Malgré son dynamisme évident et sa construction logique, le récit de Thomas Day a beaucoup de mal à convaincre et l'on se surprend à chercher les sources d'inspiration du romancier. En lisant ce space opera, on peut ainsi songer à quelques comic books bien connus. Gilrein, l'homme-chat et garde du corps de Dæmone, fait irrésistiblement penser à Oedi the Catman de la série Dreadstar créée par Jim Starlin. Alors que l'Alèphe et sa liste de contrats n'est pas sans rappeler le Merk et sa succession de mass murderers à abattre dans les épisodes de Nexus de Mike Baron et Steve Rude. À jouer à ce jeu, on a beaucoup de mal à s'impliquer totalement dans le récit.
De plus, le personnage de Dæmone Eraser alias David Rosenberg est certainement digne du plus grand intérêt mais, en cent seize pages à peine, il ne parvient pas à prendre totalement corps et âme. Il semble manquer à ce récit quelques flash-backs ou quelques chapitres supplémentaires pour donner une véritable stature à ce héros et un esprit à cet homme. Tel qu'il est présenté au fil des pages de ce trop court roman — à moins qu'il ne s'agisse d'une longue nouvelle —, on ne peut ni le haïr, ni l'aimer. On se contente donc de l'observer et de suivre son aventure jusqu'à un dénouement surprenant car il offre au lecteur un choix inattendu entre deux fins possibles. Bref, en attendant le prochain Thomas Day, je crois que je vais relire Rêves de guerre.
- La nouvelle "Je suis l'Ennemi" a été publiée dans les pages de Bifrost, nº 6, octobre 1997, et rééditée dans SF 98 : les meilleurs récits de l'année (février 1998).↑
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