KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Michael Grant : Gone

(Gone, 2008)

roman de Science-Fiction pour la jeunesse

chronique par Éric Vial, 2009

par ailleurs :

Il s'agit d'épreuves non corrigées. Aussi, allez donc savoir si le titre originel de ce pavé grand format pour adolescents ou préadolescents sera maintenu. Ce qui fera un peu étrange du côté de Lyon, sans y être d'ailleurs un contresens, puisqu'il s'y agit bien d'enfants. À Perdido Beach, en Californie, les plus de quinze ans ont tous disparu d'un seul coup. D'où le titre anglais : ils sont effectivement partis… La région est coupée du monde par une barrière mystérieuse. L'électricité continue d'être fournie, la centrale nucléaire, qui vient pourtant de gravement dérailler, reste bien sage (!), on voit toujours le soleil et les étoiles, mais les télévisions, les radios, l'internet et le téléphone ne permettent plus aucune communication avec l'extérieur. Et on s'aperçoit que des enfants développent ou ont développé des pouvoirs paranormaux, en même temps que mutent certains animaux, d'où des serpents volants, des mouettes à griffes et des chacals géants dotés de la parole. Adolescents, enfants et bébés vont devoir se débrouiller, avec le lot inévitable de brutes et de chefaillons, d'autant qu'on trouve à côté de la petite ville un pensionnat pour gamins tout à la fois aisés et difficiles. Plus les effets des mutations sur les relations entre “normaux” et “dégénérés”.(1) Plus une affaire de jumeaux séparés à la naissance et s'affrontant, comme dans nombre de mythologies. Plus des histoires d'amour, fort chastes. Plus la question de savoir ce que l'on devient quand on disparaît, et qui n'est élucidée qu'en partie.

Bon, ça fonctionne, on voit converger les différentes lignes, on voit les affrontements se préparer, et les naïvetés les plus grossières ont été efficacement évitées, que l'auteur envisage la nécessité de s'occuper des bébés ou les problèmes d'alimentation — quitte à reporter la résolution de ces derniers à plus tard. Et la fin réussit à ne rien conclure de façon définitive, et à relancer l'action, ouvrant la voie à un autre volume au moins. On trouvera des antécédents dans le fonds des histoires de mutants, et de républiques d'enfants depuis Sa Majesté des mouches.(2) Et de communauté-coupée-du-monde-par-une-force-mystérieuse. On pourra aussi, même si la question est oiseuse, se demander s'il s'agit de SF. C'en est si l'on s'en tient à la centrale nucléaire et aux mutations, c'en est moins quand on passe à quelques super-héros juvéniles, et ce n'en est plus vraiment, ou vraiment plus, au fur et à mesure que l'on entraperçoit l'ennemi réel, l'“ombre” qui manipule une bonne partie de la situation — mais après tout, pourquoi ne s'agirait-il pas d'un extraterrestre ou du résultat du déraillage nucléaire ? Le cocktail reste instable, et promis à une évolution, que les préadolescent[e]s constituant le public-cible découvriront sans doute dans un ou plusieurs pavés à paraître… Comme ça se lit sans déplaisir ni difficulté, un adulte très fatigué pourra même sans doute y trouver un vague intérêt — s'il est franchement fatigué.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 62-63, juillet 2009


  1. Allez savoir si dans la version définitive ce dernier terme sera conservé non seulement dans les dialogues, où il est après tout légitime, mais aussi dans les parties narratives, où il me pose davantage de problèmes, d'autant que le discours est fort heureusement, et de façon tout à fait attendue mais explicite, humaniste et antiségrégationniste.
  2. Dont on notera des avatars notables dans le domaine de la bande dessinée : Au royaume d'Astap, une aventure de Norbert et Kari par Godard dans les années 1970 (Dargaud), et tout récemment Seuls, une série par Gazzotti et Vehlmann (Dupuis). —NdlR.

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