François Martini : le Temps
roman de Science-Fiction et nouvelle fantastique, 2008
- par ailleurs :
Curieux livre. À la suite du court roman qui en constitue l'essentiel, il propose une nouvelle, "la Quadrature" qui, tout en relevant du Fantastique, appuie ses fantaisies sur le langage de la géométrie : un peintre qui a dessiné un cercle et un carré les observe qui se rapprochent et égalent leurs aires. Anecdotique, mais ça pourra plaire aux fans de Flatland.
Le Temps, par contre, relève clairement de la Science-Fiction, affiche ses références, accumule les inventions futuristes et les collages transtemporels. Philippe, architecte à Paris, alors qu'il est en retard pour accueillir son amante Hélène à l'arrivée de son train, se rend compte qu'il ne voit plus l'heure nulle part, et qu'il s'est détaché de l'écoulement du temps. On pense immédiatement au Vonnegut d'Abattoir 5 (qui n'est curieusement pas cité parmi les références SF explicites du texte, d'Asimov à Dick). Philippe se retrouve assez vite ballotté à travers les époques, malgré ses tentatives pour reprendre pied (en consultant un psychiatre, par exemple). Plus que dans notre Histoire, il erre au gré des idées qui lui viennent dans les bifurcations d'un temps labyrinthique, tantôt touriste, tantôt réfugié… Cet aspect voyage incontrôlable me fait penser au Sheckley de la Dimension des miracles. Mais cela n'empêche pas l'intrigue, un peu décousue, d'avoir quelques ancrages, et surtout la présence d'Hélène sous diverses incarnations.
Le livre ne se lit toutefois pas comme de la SF pur sucre. Il y a le peu d'importance accordé à l'intrigue, il y a le temps passé en descriptions et en réflexions de toute nature… Il y a aussi cette coloration bien répandue dans la littérature générale française que l'on dira, pour faire court et inutilement méchant, “nombriliste”. Elle est accentuée par les notations cumulatives de détails du terroir parisien. Rien de mal en soi : nous accédons tous à l'universel par le prisme de notre localité — à condition de ne pas entretenir l'illusion que cette localité doive servir de référence universelle à toutes les autres. Mais il faut être conscient que, faute de références partagées, la lecture de ce texte sera moins riche pour quelqu'un comme moi que pour un habitant de Paris.
Martini ne se pose sans doute pas toutes ces questions. Son texte est court, joyeux malgré la débâcle du temps, touchant rapidement à une multitude d'aspects. Et assez malin pour plaire à la fois aux amateurs et aux contempteurs de la SF. Joli coup.
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