Kurt Steiner : Big crunch
roman de Science-Fiction, 2009
- par ailleurs :
Cela faisait bien longtemps qu'André Ruellan n'avait pas endossé son pseudonyme de Kurt Steiner, réservé au Fleuve noir. Fidèle à sa politique de récupération du passé du FNA, "Rivière blanche" nous présente aujourd'hui un roman de cet auteur trop rare.
L'entrée en matière est sarcastique. Un Visiteur, doué de trop de pouvoirs pour ne pas venir d'un autre monde, découvre les particularités de l'Humanité, dans la version rurale, puis urbaine, du terroir parisien. Heureusement pour lui, la télépathie lui permet de corriger très vite ses erreurs d'ignorance, et de se plonger dans la culture de ses hôtes. Car le Visiteur a un problème (reconstruire, à partir de la technologie locale, son vaisseau détruit) et une mission (sauver de l'effondrement de leur univers quelques Humains élus au hasard des rencontres). Dissimulé sous l'identité de Clément Borel, le Visiteur a d'abord, incognito, gagné la confiance de deux physiciens de Jussieu, puis une suite de concours de circonstances met sur son chemin Laurent, ingénieur, Benoît, ancien animateur de télévision, et la famille Farel, père, mère, fils, et surtout chien, un caniche qui fournit la clé de la solution recherchée par “Clément”.
Une fois le problème technologique résolu, en avant pour la traversée interuniverselle et la découverte de la société géenne de l'Univers 2, caractérisée par la symbiose entre trois races intelligentes, l'une humanoïde et les deux autres créées par génie génétique à partir de félins et de rongeurs, respectivement. Mais la menace de l'effondrement (le big crunch du titre, symétrique du big bang) reste présente…
Ce roman qui commençait bien, avec beaucoup d'humour à la façon Lettres persanes (un regard distancié sur nos travers quotidiens), se fatigue une fois qu'il rentre dans la description de la société géenne. Sans être une utopie, le livre présente parfois les inconvénients des récits utopiques, avec le poids de la description et des rappels historiques. L'abondance des personnages, et l'intrigue secondaire menée par les enfants adolescents de deux des familles, tout à leur histoire d'amour, nuit elle aussi à la pâte du roman, qui finit par décrire à la va-vite nombre de péripéties, de sentiments et de situations qui auraient mérité un investissement plus attentif. Bref, à l'image de la SF, écartelée entre ses ambitions intellectuelles et sa forme (souvent) dictée par le roman d'aventures. Le livre reste agréable pour son vaste potentiel imaginatif, et pour ses allusions en demi-teinte aux débats politiques autour de l'immigration, soulignées par l'emploi d'expressions comme “géens de souche”. Mais le dénouement semble bien hâtif — choisissons d'y voir un hommage de plus à la tradition du Fleuve noir, qui imposait à ses auteurs un travail rapide et, avant tout, calibré par la taille des ouvrages que vendait la maison.
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