KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Claude Lecouteux : Fantômes et revenants au Moyen Âge

essai, 1986

chronique par Éric Vial, 2010

par ailleurs :

De façon manifeste, on est sur les marges de ce qui intéresse KWS. Pas très loin toutefois, du côté du Fantastique, ou plutôt de la Fantasy, et de l'étude universitaire. Avec une forte base documentaire, une platée de références aux textes d'époque, germaniques et scandinaves en très nette priorité, quitte à déborder en amont, un peu, et surtout en aval, jusqu'aux portes de notre supposée modernité, vers 1900 pour faire vite, et encore en 1936 au moment du naufrage du Pourquoi pas ? de Charcot. Le tout ne peut qu'intéresser les amateurs de sagas, qu'il s'agisse d'en lire des échantillons ou d'en réutiliser pour ses propres productions. D'autant que s'ajoutent aux récits les pratiques concrètes, sur bases archéologiques ou de nouveau textuelles. Et qu'on a affaire à des revenants tout à fait matériels et corporels, des errants, des morts récalcitrants ou reconnaissants, des vengeances posthumes, des caractériels patentés, des méthodes pour s'en débarrasser, panoplie toujours réutilisable. Plus des perspectives quant à différentes (très différentes, et c'est l'intérêt, de ce que nous pensons ou pensions collectivement ou avons cru penser il y a encore peu de temps sous nos climats) conceptions de la mort, de l'au-delà, de l'âme. Plus des passages des défunts à d'autres statuts qui accrocheront encore davantage à la Fantasy, bons génies, trolls ou géants, dont la généalogie pourrait être une source d'inspiration.

Bref, tout cela est bel et bon, renvoie à une érudition plus que solide et peut être sans problème récupéré par le sense of wonder. Et je ne peux que remercier le très honorable mensuel qui m'a demandé une notule il y a quelques mois, ce qui me permet de m'épancher un peu plus ici (à peine plus, promis, Monsieurlerédacteurenchef ; je sais bien que ce n'est pas tout à fait le cœur de cible). Je peux même indiquer d'autres travaux chez le même éditeur, qui ont suivi et renverront les lecteurs intéressés à des thématiques voisines, depuis les Nains et les elfes au Moyen Âge (1988) jusqu'à la Maison hantée : histoire des poltergeists (2007) en passant, entre autres, par Fées, sorcières et loups-garous au Moyen Âge : histoire du double (1992), Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au Moyen Âge (1999) ou un Dictionnaire de mythologie germanique : Odin, Thor, Siegfried & Cie (2005) qui a des chances d'être bien connu des amateurs. Reste le “truc”, le “machin”, le “bidule” qui me chiffonne quelque peu ; une interrogation personnelle sur le point de vue de l'auteur ; une réticence, née d'un a priori de rédaction, de l'impression donnée d'une totale prise au sérieux des sources, d'une présentation des faits comme des réalités sacro-saintes, si je puis dire. D'une façon, aussi, de présenter la marginalisation des récits et des traditions par le christianisme comme un combat réel contre des êtres réels. Mais là, je ne peux qu'être partagé : d'un côté, une inquiétude sourde, parce que le néo-paganisme s'est retrouvé coopté par des secteurs de l'opinion pour lesquels je ne saurais éprouver de grande tendresse ; de l'autre, l'idée qu'après tout, il y a là de nouveau de quoi sous-tendre des récits, des contes, des métaphores, qui ne renieraient pas, elles, leur statut de fiction, et que c'est très bien ainsi. De quel côté faut-il pencher ? À chaque lecteur d'en décider, sans doute en fonction de sa plus ou moins grande appétence pour la Fantasy

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 65-66, juillet 2010

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