Guillermo del Toro ; Chuck Hogan : la Lignée
(the Strain, 2009)
roman de Science-Fiction d'horreur
- par ailleurs :
En provenance de Berlin, le vol 753 de Regis Airlines se pose sans encombre sur les pistes de l'aéroport Kennedy à New York. Seul problème, mais de taille, nul ne descend de l'appareil car les quelque deux cents passagers et membres d'équipage sont morts. Le docteur Ephraim Goodweather et son équipe de la cellule Canari du Center for Decease Control vont mener l'enquête et rapidement faire des découvertes dérangeantes et déconcertantes.
Ce livre cosigné par Guillermo del Toro et Chuck Hogan comporte deux aspects antinomiques. D'une part, il y a un récit débordant d'action et d'imagination qui vient renouveler le thème ultraclassique des vampires. D'autre part, il y a un style d'écriture visiblement emprunté au cinéma qui privilégie les décors et les dialogues aux dépens des sentiments. Cela donne un roman très lisible mais qui n'a aucune âme. Les personnages, malgré des patronymes savoureux, manquent de profondeur. Ce ne sont que des coquilles vides qu'un bon acteur pourrait certainement rendre vivantes et attractives sur grand écran.
Car le grand problème de cette Lignée est qu'elle sort tout droit de l'imagination d'un cinéaste qui adore créer et dessiner. Lorsqu'il conçoit un film, Guillermo del Toro gribouille ainsi des centaines de croquis dans ses carnets. Dessins qui aident ensuite le décorateur, le costumier, le responsable des effets spéciaux et même les comédiens à donner vie aux idées du créateur qu'il est.
Avec la Lignée, Guillermo del Toro et son complice Chuck Hogan s'essayent donc à renouveler le genre si classique et tellement à la mode des vampires. Les suceurs de sang de la Lignée n'ont plus grand-chose à voir avec ceux créés par John Polidori, Charles Nodier, Théophile Gautier ou Bram Stoker. S'éloignant radicalement du romantisme de la série cinémato-livresque de Stephenie Meyer (Fascination), del Toro et Hogan s'inspirent plus nettement des créatures vampiriques qui apparaissent dans Blade II, un film réalisé par nul autre que del Toro en 2002.
Étrange coïncidence, le Vol 753 en provenance de Berlin qui, dans la Lignée, remplace le Demeter du Dracula de Stoker, n'est pas sans rappeler le Vol 627 venant de Hambourg, rempli de morts, victimes d'un mystérieux virus dévoreur de chair, qui se pose à Boston dans le premier épisode de la nouvelle série télévisée de J.J. Abrams : Fringe (2008).
Par ailleurs, on retrouve dans la Lignée plusieurs thèmes récurrents de l'œuvre cinématographique de Guillermo del Toro. Le personnage du milliardaire Eldritch Palmer, à la recherche de la vie éternelle, renvoie ainsi tout naturellement à Dieter La Guardia, qui partage la même obsession dans Cronos (1993), le film qui fit connaître Guillermo del Toro. Les premiers rôles du livre sont dévolus à deux médecins du CDC basés à New York, Ephraim Goodweather et Nora Martinez, qui rappellent forcément les docteurs Susan Tyler et Peter Mann du film Mimic (1997). Enfin, on peut remarquer que, comme dans ses longs-métrages les plus personnels, Cronos, Mimic, l'Échine du Diable (2001) ou le Labyrinthe de Pan (2006), Guillermo del Toro donne un rôle essentiel à un enfant, ici le jeune fils d'Ephraim Goodweather.
Cinéaste passionné et efficace, Guillermo del Toro l'est beaucoup moins lorsqu'il revêt l'habit d'écrivain. Et si l'on peut être convaincu par l'esprit et par une certaine inventivité de la Lignée, la forme pèche par bien des aspects et fait perdre tout attrait à la lecture de ce roman. Finalement, sans attendre la Chute, la suite de cette trilogie annoncée en quatrième de couverture, il est peut-être préférable de patienter jusqu'à la sortie en salles de l'inévitable adaptation cinématographique de cette Lignée, avec Guillermo del Toro en metteur en scène.
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