KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Xavier Mauméjean : Rosée de feu

roman de Fantasy, 2010

chronique par Noé Gaillard, 2010

par ailleurs :

D'ordinaire je lis plutôt les préfaces — après avoir lu l'ouvrage — pour vérifier si l'auteur a tenu ses promesses. Je néglige les postfaces — pardon à ceux qui en écrivent —, les trouvant trop souvent plus proches de l'exercice d'autosatisfaction (voyez comme j'ai bien écrit) et/ou de remerciements circonstanciés que d'autres choses. Là, comme il y a aussi une page de remerciements, j'ai jeté un œil. Bien m'en a pris. Mauméjean y explique les contraintes qu'il s'est imposées pour écrire son uchronie, et termine sur une petite note qui touche à l'onomastique.(1) Cette note est, pour moi, d'une grande importance ; elle montre que l'auteur ne se moque pas de ses lecteurs. (Combien d'auteurs de SF se permettent d'affubler leurs personnages de noms imprononçables, ou sans rapport avec la langue qu'ils parlent ?). Et il s'en moque d'autant moins que la bibliographie raisonnée qu'il nous propose est assez importante.

Donc voilà un auteur qui n'improvise pas, qui travaille son sujet et le soumet à des contraintes. Vous allez me dire que cette “cuisine” ne vous intéresse pas, que seul vous importe l'intérêt du livre. Moi, je maintiens qu'un bon livre, quel que soit son sujet, ne peut être réussi sans un minimum de raffinement culinaire. Pour cette Rosée de feu, c'est une réussite.

Mauméjean imagine que les Japonais confient à leurs Kami Kase non des avions mais des dragons. Que l'empereur est mal conseillé, et que les dissensions entre l'Armée et la Marine sont préjudiciables. Que c'est sur Tokyo que les Américains jettent en mars 1945, ou en 2600 et quelques, un œuf du Dragon Zéro — le père de tous les dragons. Il nous présente ces faits par l'intermédiaire de trois personnages d'âges différents. Un capitaine de marine d'âge mûr soucieux d'honneur, un jeune étudiant “pilote” de dragon et un écolier frère de l'étudiant. Chacun vit la guerre à sa façon et dans son petit univers, mais chacun y voit ou entend les mêmes atrocités. Je recommande les pages 193 à 197 et 220 à 221. Elles montrent à quel point Mauméjean est parvenu à ne pas “recourir au pathos pour obtenir un effet” et elles doivent toucher le lecteur qui ne dispose pas de l'émotion des personnages pour épancher la sienne.

Voilà le genre de romans qui risquent hélas de passer inaperçus (en couverture, le beau dessin de Manchu ne tire pas vraiment l'œil) ou d'être “refusé” comme n-ième livre sur le Japon, ou pas assez orthodoxe aux yeux du lecteur… Ou encore rejeté à cause de son prix un peu dissuasif : 19 € pour 272 pages alors que l'on peut avoir un roman de SF de 120 pages de plus pour 22 €. Il me semble pourtant qu'il mérite beaucoup mieux que d'achever sa carrière au rayon solde de certains libraires spécialisés dans la revente… Faites un effort ! vous ne serez pas déçus.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 67, décembre 2010


  1. Science des noms propres, d'après mon Petit Robert.

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